17.05.11 - CPI/LIBYE - LES TROIS SUSPECTS DU CLAN KADHAFI (PORTRAIT)

La Haye, 17 mai 2011 (FH) - « Faudra-t-il un jour plaider, pour le Guide libyen, le droit de planter sa tente dans la prison de Scheveningen ? » s'interrogeait un avocat de La Haye, avec un brin d'amusement. Lundi 16 mai, Luis Moreno Ocampo a demandé aux juges de la Cour pénale internationale (CPI) de délivrer des mandats d'arrêt à l'encontre de Mouammar Kadhafi, de l'un de ses fils, Saif Al-Islam et de son beau-frère, Abdullah Al-Senoussi. Pour le procureur, les trois hommes ont « planifié » les crimes contre l'humanité commis contre les civils depuis le début de la révolte, le 15 février 2011. Leur mobile : conserver le pouvoir.

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Né en 1942, ce fils de bédouin du désert de Syrte a mis en place « un régime sans équivalent dans le monde », écrit le spécialiste de la Libye, Patrick Haimzadeh, dans son livre « Au cœur de la Libye de Kadhafi ». Ce « héros africain » comme l'avait qualifié l'ex-président du Libéria, Charles Taylor, au cours de son procès, a trouvé son inspiration politique lors de la crise de Suez puis la guerre d'Algérie. A 17 ans, il créait un mouvement clandestin pour préparer la révolution, avant d'entamer des études de droit à Misrata puis d'intégrer l'académie militaire de Benghazi. Anti-impérialiste, révolutionnaire panarabe, il s'empare du pouvoir en 1969, en chassant le roi, pro-britannique, Idriss Ier. Son fameux « livre vert » développe, dans un style très candide, les principes de sa révolution, l'alliance de l'Islam et du socialisme et la « révolution du peuple ».

Mais derrière les mots, le dictateur a conservé le pouvoir d'une main de fer. Tortures, exécutions, emprisonnements, ou répression à l'arme lourde émaillent le règne du Guide libyen, victime de multiples tentatives de coups d'Etat. Face à l'échec de ses projets d'association panarabe, Kadhafi avait prôné la création des Etats unis d'Afrique, dotés d'une seule armée et d'une monnaie unique, mais sans plus de succès.

Qualifié de « chien enragé » par Ronald Reagan, placé sur la liste noire des Etats soupçonnés de soutenir le terrorisme, Mouammar Kadhafi décide, à la fin des années 90, de sortir le pays de son isolement politique pour échapper à la stagnation économique. Lentement, il s'achète une conduite auprès de la Communauté internationale, en acceptant de stopper son programme d'armement, de cesser les opérations terroristes, et d'indemniser les victimes des attentats de Lockerbie (1988) et du DC10 d'UTA (1989).

Son beau-frère, le colonel Abdullah Al-Senoussi, a été condamné par contumace à la perpétuité, par la justice française, pour l'attentat contre l'avion d'UTA, qui avait explosé dans le désert du Ténéré au Niger, faisant 170 victimes. Selon Patrick Haimzadeh, il était alors chargé de « la neutralisation des opposants en exil et des opérations terroristes » du régime. Il fait toujours l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par la France et valable jusqu'en 2019. Aujourd'hui chef des renseignements militaires, il est l'éminence grise de Kadhafi, son « bras droit », selon le procureur Luis Moreno Ocampo. Frère de la première femme de Kadhafi, elle même apparentée à Idriss Ier, il est l'oncle de Saif Al-Islam, le « fils préféré » de Mouammar Kadhafi. Pour le procureur, Saif Al-Islam est le « premier ministre de facto » du régime.

Après des études d'architecture à Tripoli, puis d'économie en Autriche, il décroche, il y a trois ans, un doctorat à la London School of Economics non sans avoir promis un don de 1,5 million de livres à l'institution. Président de la Fondation Kadhafi, créée pour servir d'intermédiaire dans les négociations sur les victimes du DC10 d'UTA, Saif Al-Islam, qui signifie « le glaive de l'Islam », voulait donner un visage moderne au régime et prônait la libéralisation économique. Selon Patrick Haimzadeh, il contrôle la National Oil Company et les sociétés du holding pétrolier Oilinvest, ainsi que la Libyan Arab Foreign Investment Company (Lafico). En 2003, sa Fondation avait publié un rapport sur les violations des droits de l'homme en Libye. Au cours des dernières années, il était associé à toutes les négociations diplomatiques du régime, dont la libération des otages de Jolo et celles des infirmières bulgares. Mais l'image moderne du « VRP » de la Libye s'est brisée dès le début de la révolte en février.

SM/GF

© Agence Hirondelle