31.05.11 - CPI/LIBYE - LE PROCUREUR ACCUSÉ DE VIOLER LA PRESOMPTION D'INNOCENCE

La Haye, 31 mai 2011 (FH) - Le Bureau du Conseil public pour la défense a demandé aux juges de sanctionner le procureur pour ses déclarations publiques dans le cadre de son enquête sur la Libye, l'accusant de violer la présomption d'innocence.

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Le Bureau - organe du greffe chargé de soutenir la défense - revient notamment sur la conférence de presse du procureur, organisée le 16 mai et au cours de laquelle Luis Moreno Ocampo avait annoncé avoir demandé aux juges de délivrer des mandats d'arrêt à l'encontre du chef de l'Etat libyen, Mouammar Kadhafi, de son fils, Saïf Al-Islam Kadhafi et du chef des renseignements militaires, Abdullah Al-Senoussi. Le procureur avait notamment déclaré que « Mouammar Kadhafi a commis ces crimes dans le but de préserver son pouvoir absolu.»

Pour Xavier-Jean Keïta, chef du Bureau de la défense, « le procureur a tenu des propos qui portent atteinte à la présomption d'innocence (...) et constituent une prédétermination évidente de la culpabilité de ces personnes » alors qu' « il appartiendra à la seule chambre de première instance de se prononcer sur la culpabilité ou l'innocence de ces personnes, dans l'hypothèse ou la chambre préliminaire serait elle-même convaincue de la nécessité de délivrer des mandats d'arrêt puis de confirmer les charges ».

L'avocat vise aussi un article diffusé par le quotidien émirati The National le 18 mai 2011, dans lequel le procureur « laisse entendre que toute personne qui remettrait en cause la réalité des crimes dont sont suspectées et accusées les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt ou de citations à comparaître devant la Cour, serait ‘contre' la Cour et ‘pour' les criminels ». Le chef du Bureau de la défense estime que dès lors, « toute personne qui affirmerait l'innocence d'une personne poursuivie (...) ou qui remettrait en cause la réalité des crimes allégués par le procureur, soutiendrait les criminels ou serait elle-même complice de ces criminels. »

Maître Keïta s'inquiète aussi pour les témoins de la défense. « Si toute personne soutenant une théorie alternative à celle du procureur est considérée comme criminelle, alors tous les témoins de la défense pourraient faire l'objet de poursuites devant la Cour et les juridictions nationales », note-t-il.  Dans ces circonstances, ajoute-t-il, « aucun témoin n'osera tenir des propos contraires à ceux du procureur ».

Le Bureau de la défense demande donc aux juges d' « ordonner au procureur de publier un nouveau communiqué de presse, rappelant que les trois personnes contre lesquelles il a demandé un mandat d'arrêt (...) bénéficient de la présomption d'innocence ». Il demande aussi à la chambre d'ordonner au procureur de ne plus tenir de propos publics contrevenant au principe de la présomption d'innocence, et de décider que les noms des personnes ciblées par  une demande de mandat d'arrêt ou de citation à comparaître soient confidentiels jusqu'à la décision des juges.

La Cour pénale internationale avait été saisie le 26 février 2011 par le Conseil de sécurité des Nations unies des crimes commis en Libye. Le 3 mars, le procureur avait annoncé l'ouverture d'une enquête.

SM/GF

© Agence Hirondelle