L'Assemblée générale de l'ONU devrait créer jeudi la Journée internationale de commémoration du génocide de Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, une initiative combattue notamment par les Serbes de Bosnie, qui ont déjà prévenu qu'ils ne la respecteraient pas.
"Il n'y a pas eu de génocide" a lancé à quelques heures du vote le chef des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, prévenant la communauté internationale lors d'une conférence de presse depuis Srebrenica qu'il "n'accepterait pas" la résolution. "Nous vous disons tout de suite que nous ne l'accepterons pas. Ce ne sera pas inclus dans les programmes scolaires et nous ne commémorerons pas le 11 juillet".
Le 11 juillet 1995, quelques mois avant la fin du conflit intercommunautaire qui faisait rage en Bosnie depuis trois ans, les forces serbes de Bosnie commandées par le général Ratko Mladic prenaient la ville de Srebrenica. Les jours suivants, environ 8.000 hommes et adolescents musulmans étaient exécutés.
Le massacre, pire tuerie perpétrée en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a été qualifié de génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et la Cour internationale de Justice (CIJ).
C'est donc un "fait" incontestable, insistent les soutiens de la résolution préparée par l'Allemagne et le Rwanda, soumise au vote jeudi.
A un an du 30e anniversaire du massacre, le texte fait du 11 juillet la "Journée internationale de réflexion et de commémoration du génocide commis à Srebrenica en 1995".
Alors que nombre de dirigeants politiques ou religieux serbes rejettent avec force cette qualification, le texte condamne également "sans réserve toute négation de l'historicité du génocide commis à Srebrenica" et "les actes qui glorifient les personnes ayant été reconnues coupables" de ces crimes.
Cette résolution, "opportune et nécessaire", est "l'occasion cruciale de s'unir pour honorer les victimes", justifient l'Allemagne et le Rwanda dans une lettre vue par l'AFP, envoyée il y a quelques jours à tous les Etats membres de l'ONU.
- "Pas sa place en Europe" -
Face aux critiques, les co-auteurs du texte ont ajouté, à la demande du Monténégro, une phrase qui précise que la culpabilité de certains individus ne peut être imputée "à un groupe ethnique, religieux ou autre dans son ensemble".
Une modification qui n'a pas convaincu Belgrade et ses alliés.
Dans une lettre envoyée dimanche à toutes les délégations, le chargé d'affaire serbe à l'ONU Sasa Mart met ainsi en garde contre les "conséquences imprévisibles" que cette résolution "qui rouvre de vieilles blessures" pourrait avoir "sur le processus fragile de réconciliation" et la stabilité des Balkans.
Le président serbe, Aleksandar Vucic, est, lui, à New York pour se "battre de toutes [ses] forces et de tout [son] coeur pour l'avenir" de la Serbie, a-t-il écrit sur Instagram
La Russie a elle aussi fustigé un texte "provocateur" qui "menace la paix et la sécurité" en Bosnie et dans toute la région.
"Nous jugeons totalement illogique et encore plus immoral que des membres de l'Otan effacent de l'Histoire les preuves de leurs bombardements en ex-Yougoslavie en 1995 et 1999 en faisant porter toute la responsabilité aux Serbes", a dénoncé l'ambassadeur russe à l'ONU Vassili Nebenzia, accusant les Occidentaux de "Serbophobie".
Dans ce contexte tendu, l'Union européenne a prévenu que "quiconque tente de remettre en question (le génocide de Srebrenica) n'a pas sa place en Europe".
Quant aux proches des victimes du massacre, s'ils ne pardonnent pas, ils espèrent que les Serbes acceptent la "vérité".
Il faut "que ceux qui ont conduit leur peuple dans cette position (de déni, ndlr) acceptent la vérité, pour que nous retrouvions tous la paix et pour reprendre la vie", a expliqué à l'AFP Kada Hotic, 79 ans, dont le fils, le mari et les deux frères ont été tués dans le massacre.
"Cette résolution est de la plus grande importance pour répandre la vérité et la connaissance sur le génocide commis contre les Bosniens", a également insisté Denis Becirovic, membre bosniaque (musulman) de la présidence collégiale de Bosnie.