Frappes sur Rafah après la CIJ, discussions à Paris sur un cessez-le-feu

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L'armée israélienne bombarde samedi la bande de Gaza, y compris Rafah, au lendemain d'une décision de la Cour internationale de justice (CIJ) lui ordonnant de suspendre ses opérations dans ce secteur sur fond d'efforts à Paris pour arracher un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.

La plus haute juridiction de l'ONU - dont les décisions sont juridiquement contraignantes mais qui manque de mécanismes pour les mettre en oeuvre - a aussi ordonné à Israël de maintenir ouvert le passage de Rafah, dans l'extrême sud de la bande de Gaza, essentiel à l'entrée de l'aide humanitaire mais fermé après le lancement de son opération terrestre début mai.

Israël a affirmé qu'il "ne mènera pas d'opérations militaires dans la zone de Rafah" susceptibles de "conduire à la destruction de la population civile palestinienne".

Son armée y a lancé le 7 mai des opérations au sol, avec l'objectif d'anéantir les derniers bataillons du Hamas, mouvement islamiste à l'origine de l'attaque sans précédent sur le sol israélien le 7 octobre ayant déclenché la guerre.

Le Hamas, qui a pris le pouvoir dans la bande de Gaza en 2007, a salué de son côté la décision de la CIJ - qui a également ordonné la "libération immédiate" des otages à Gaza - tout en déplorant qu'elle se limite "seulement à Rafah".

Dans la foulée, les bombardements israéliens se sont poursuivis dans la bande de Gaza, notamment à Khan Younès (sud), Gaza-ville (nord) et dans plusieurs quartiers dans l'est et dans le centre de Rafah. En 24 heures, au moins 46 morts supplémentaires ont été recensés, selon le ministère de la Santé du Hamas.

"Nous voulons voir la décision de la Cour sur le terrain (...) Assez, assez, assez de la guerre", a martelé Moamen Muchtaha, 33 ans, un Palestinien de Gaza-ville, déplacé comme bon nombre des 2,4 millions de Gazaouis.

- Pressions sur Israël -

L'armée israélienne a annoncé samedi que plusieurs combattants avaient été tués lors de "combats rapprochés" la veille à Jabalia (nord) et au cours "de tirs de chars d'assaut" dans le centre. Elle a également affirmé avoir "éliminé une cellule terroriste qui a ouvert le feu sur ses troupes" à Rafah.

La guerre dans la bande de Gaza a débuté le 7 octobre après l'attaque sur le sol israélien de commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza, entraînant la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.

Ce jour-là, 252 personnes ont également été emmenées comme otages dans le territoire palestinien. Après une trêve en novembre ayant notamment permis la libération d'une centaine d'entre eux, 121 otages sont toujours retenus à Gaza, dont 37 sont morts, selon l'armée.

En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive dévastatrice dans le territoire palestinien, qui a fait au moins 35.903 morts, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas, mouvement considéré terroriste par Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne notamment.

La situation sécuritaire et humanitaire dans la bande de Gaza est alarmante avec un risque de famine et des hôpitaux hors service. Environ 800.000 personnes ont fui Rafah, selon l'ONU.

Rome a annoncé samedi la reprise des financements en faveur de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), qui coordonne l'aide à Gaza. L'Unrwa avait été mise en difficulté par Israël après des accusations selon lesquelles certains de ses employés étaient impliqués dans l'attaque du 7 octobre.

Israël "n'écoute que son idéologie extrémiste de meurtre et de destruction afin (...) d'accroître les dégâts", a estimé Yahya, un Palestinien de 34 ans, à Rafah.

Après bientôt huit mois de guerre, l'étau se resserre chaque jour un peu plus sur Israël.

Samedi, Madrid a averti le pays que les ordonnances émises par la CIJ sont "contraignantes" et a exigé leur respect. "Cela concerne également (...) la libération des otages", a écrit le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, sur X.

Peu après, le G7 Finances a appelé Israël à "garantir" les services bancaires aux banques palestiniennes, après que le pays a menacé cette semaine de les priver d'accès à leur propre système bancaire.

La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, avait souligné jeudi que "ces canaux bancaires sont essentiels", notamment pour effectuer des transactions d'exportations dont dépendent les Palestiniens.

- Pourparlers à Paris -

Plus tôt cette semaine, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) avait demandé l'émission de mandats d'arrêt pour des crimes présumés commis dans la bande de Gaza et en Israël contre des dirigeants du Hamas mais aussi israéliens, parmi lesquels le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Si le gouvernement israélien a fustigé cette annonce, il a néanmoins ordonné à ses négociateurs de "retourner à la table des négociations pour obtenir le retour des otages", selon un haut responsable.

Début mai, des discussions indirectes entre Israël et le Hamas, par l'entremise du Qatar, de l'Egypte et des Etats-Unis, n'avaient pas abouti à un accord de trêve associée à la libération d'otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Le chef de la CIA, William Burns, est attendu à Paris pour tenter de relancer les pourparlers sur une trêve et le président français, Emmanuel Macron, a reçu vendredi le Premier ministre du Qatar et les ministres saoudien, égyptien et jordanien des Affaires étrangères.

Selon la présidence française, les dirigeants ont examiné comment "augmenter et approfondir leur coopération en matière d'aide humanitaire" et la mise en oeuvre de la "solution à deux Etats".

En parallèle, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken s'est entretenu avec Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, des nouveaux efforts pour arriver à un cessez-le-feu et rouvrir le "plus tôt possible" le terminal de Rafah, a indiqué Washington.

bur-anr/hme

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