Israël bombarde Rafah malgré l'ordre de la CIJ pour un cessez-le-feu

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L'armée israélienne a bombardé samedi Rafah malgré l'ordre de la Cour internationale de Justice (CIJ) d'arrêter immédiatement ses opérations dans cette ville du sud de la bande de Gaza d'où ont fui des centaines de milliers de personnes.

Dans le même temps, des efforts internationaux ont été relancés pour arracher une trêve dans la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste Hamas contre Israël le 7 octobre, et obtenir la libération de plus de 100 otages retenus dans le territoire palestinien.

Un responsable israélien a déclaré samedi que le gouvernement avait l'intention de relancer "cette semaine" (à partir de dimanche) les négociations au point mort.

La CIJ, plus haute juridiction de l'ONU -- dont les décisions sont juridiquement contraignantes mais qui manque de mécanismes pour les mettre en oeuvre -- a aussi ordonné vendredi à Israël de maintenir ouvert le passage de Rafah, à la frontière avec l'Egypte, essentiel à l'entrée de l'aide humanitaire, mais fermé après le lancement de son opération terrestre début mai.

Israël s'est défendu en affirmant qu'il "n'a pas mené et ne mènera pas d'opérations militaires dans la zone de Rafah" susceptibles de "conduire à la destruction de la population civile palestinienne".

Son armée a lancé le 7 mai des opérations au sol dans le secteur de Rafah, où elle dit vouloir sauver des otages et détruire les derniers bataillons du Hamas, considéré comme une organisation terroriste par Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne.

- "Assez de la guerre" -

Le Hamas, qui a pris le pouvoir dans la bande de Gaza en 2007, a lui salué la décision de la CIJ --qui a également ordonné la "libération immédiate" des otages-- tout en déplorant qu'elle se limite à Rafah.

Les bombardements israéliens se sont poursuivis samedi dans la bande de Gaza, notamment à Khan Younès (sud), Gaza-ville (nord) et dans plusieurs quartiers dans l'est et dans le centre de Rafah, ont rapporté des témoins et des journalistes de l'AFP. En 24 heures, au moins 46 morts supplémentaires ont été recensés, selon le ministère de la Santé du Hamas.

A Rafah, l'armée israélienne a affirmé avoir "éliminé une cellule terroriste qui a ouvert le feu sur ses troupes", et annoncé que des combattants avaient été tués lors de "combats rapprochés" vendredi à Jabalia (nord).

"Nous voulons voir la décision de la CIJ sur le terrain (...) Assez, assez, assez de la guerre", a martelé Moamen Muchtaha, 33 ans, un Palestinien de Gaza-ville, déplacé comme bon nombre des 2,4 millions de Gazaouis.

La guerre dans la bande de Gaza a débuté le 7 octobre après l'attaque sur le sol israélien de commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza, entraînant la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

Ce jour-là, 252 personnes ont également été emmenées comme otages dans le territoire palestinien. Après une trêve en novembre ayant notamment permis la libération d'une centaine d'entre eux, 121 otages sont toujours retenus à Gaza, dont 37 sont morts, selon l'armée.

En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive dévastatrice dans le territoire palestinien, qui a fait au moins 35.903 morts, essentiellement des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

- Ordonnances "contraignantes" -

ONU et ONG font régulièrement état d'une situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza, avec un risque de famine et de nombreux hôpitaux hors service. Les opérations au sol à Rafah ont poussé environ 800.000 personnes à fuir, selon l'ONU.

Rome a annoncé samedi la reprise des financements en faveur de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), qui coordonne l'aide à Gaza. L'Unrwa avait été mise en difficulté par Israël après des accusations selon lesquelles certains de ses employés étaient impliqués dans l'attaque du 7 octobre.

Après bientôt huit mois de guerre, la pression s'accroît chaque jour un peu plus sur Israël.

Au lendemain de la décision de la CIJ, Madrid l'a averti samedi que les ordonnances émises par la plus haute juridiction de l'ONU étaient "contraignantes" et a exigé leur respect.

Peu après, le G7 Finances a appelé Israël à "garantir" les services bancaires aux banques palestiniennes, après que le pays a menacé cette semaine de les priver d'accès à leur propre système bancaire.

Plus tôt cette semaine, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) avait demandé l'émission de mandats d'arrêt pour des crimes présumés commis dans la bande de Gaza et en Israël contre des dirigeants israéliens, parmi lesquels le Premier ministre Benjamin Netanyahu, et du Hamas.

- Discussions "cette semaine" -

Samedi, un responsable israélien a déclaré à l'AFP qu'Israël avait l'intention de reprendre "cette semaine" les discussions pour obtenir la libération des otages.

"Il y a un accord" sur ce point, a déclaré ce responsable à l'AFP sous couvert d'anonymat.

Il n'a pas donné plus de détails sur l'accord, mais des médias israéliens rapportent que le chef du Mossad --les services de renseignement israéliens-- David Barnea avait trouvé un accord avec le directeur de la CIA, Bill Burns, et le Premier ministre qatari, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, lors d'une réunion à Paris sur un nouveau cadre pour les négociations.

Début mai, des discussions indirectes entre Israël et le Hamas, par l'entremise du Qatar, de l'Egypte et des Etats-Unis, avaient échoué à aboutir à un accord de trêve associée à la libération d'otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Vendredi, le président français, Emmanuel Macron, avait reçu le Premier ministre du Qatar et les ministres saoudien, égyptien et jordanien des Affaires étrangères.

Selon la présidence française, les dirigeants ont examiné comment "augmenter et approfondir leur coopération en matière d'aide humanitaire" et la mise en oeuvre de la "solution à deux Etats".

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