Face à la bataille de Rafah, la "ligne rouge" mouvante de Biden

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Où est vraiment la "ligne rouge" de Joe Biden? Alors que Rafah subit des bombardements incessants, le président américain reste silencieux, lui qui avait mis en garde Israël contre une offensive majeure dans cette ville du sud de la bande de Gaza.

"Le mot +tragique+ ne suffit pas à décrire" ce qui s'est passé, a réagi mardi la vice-présidente Kamala Harris, interrogée sur la frappe aérienne israélienne qui a fait dimanche soir 45 morts, selon le ministère de la Santé à Gaza, et mis le feu à des tentes occupées par des Palestiniens dans un camp de déplacés.

Les Etats-Unis continueront "à insister auprès d'Israël sur son obligation de se conformer pleinement au droit humanitaire international, de minimiser l'impact de ses opérations sur les civils et de maximiser le flux d'aide humanitaire vers ceux qui en ont besoin", a par ailleurs assuré mardi un porte-parole du département d'Etat.

"Dans une année électorale, les lignes rouges (du président américain) sont de plus en plus brouillées", constate Colin Clarke, du centre de recherches new-yorkais Soufan Group.

"Il est sous la pression des démocrates progressistes à cause du bilan toujours plus lourd de victimes civiles palestiniennes, et sous celle des démocrates pro-Israël", explique-t-il, en prédisant que le démocrate de 81 ans, qui briguera un second mandat en novembre, va "continuer à louvoyer (...) au gré des événements sur le terrain".

Joe Biden ne s'est pas exprimé lui-même sur la frappe de dimanche, qui a suscité une vague d'indignation internationale.

Et Washington n'a pas, pour l'instant, revu son jugement sur l'offensive israélienne contre Rafah, cette ville bordant la frontière égyptienne, à l'extrémité sud du territoire palestinien assiégé.

L'administration Biden affirme, depuis plusieurs jours, que les Israéliens y mènent une opération "ciblée" et "limitée", compatible donc avec les conditions posées par Joe Biden.

"Je l'ai dit clairement à Bibi (Benjamin Netanyahu, ndlr) et au cabinet de guerre, ils n'auront pas notre soutien s'ils entrent vraiment dans les centres de population" de Rafah, avait-il expliqué le 8 mai sur CNN.

"C'est une ligne rouge", avait-il déclaré, le 9 mars 2024, sur la chaîne MSNBC, à propos d'une offensive majeure à Rafah.

- "Morts et destructions" -

"Nous allons regarder s'il y a de nombreuses morts et destructions à cause de cette opération, ou si c'est plus précis et proportionnel", avait dit, le 22 mai, le conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan.

Qu'en est-il de cette position, alors que des chars israéliens ont été vus mardi par des témoins dans le centre de la ville, visée par des bombardements incessants?

La Défense civile de Gaza a annoncé mardi qu'une frappe israélienne avait tué 21 personnes dans un camp de déplacés dans l'ouest de Rafah.

Depuis l'attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien, Joe Biden a offert à Israël un soutien quasiment inconditionnel, tout en critiquant ponctuellement la manière dont l'armée israélienne mène ses opérations à Gaza.

Les Etats-Unis ont plusieurs fois mis leur veto à des résolutions de l'ONU en soutien aux Palestiniens.

Plus récemment, le président américain a publié un communiqué furieux pour dénoncer la demande de mandats d'arrêt contre des responsables israéliens, formulée par le procureur de la Cour pénale internationale.

Ce positionnement a suscité la colère de l'électorat d'origine arabe et d'une partie de l'électorat progressiste contre Joe Biden.

"Le président est l'un de ces rares politiciens qui agit selon sa conviction profonde plutôt que pour son propre bénéfice électoral", avance Gordon Gray, professeur à la George Washington University, en notant que "toute (sa) carrière avait été marquée par un soutien sans ambiguïté à Israël".

Le démocrate de 81 ans n'est pas le premier président américain à buter ainsi sur une "ligne rouge" exprimée publiquement en matière de politique internationale.

Son prédécesseur Barack Obama (2009-2017) avait déclaré en 2012 que l'utilisation d'armes chimiques par le président syrien Bachar al-Assad en serait une, qui exigerait une réponse militaire américaine.

Un an plus tard, quand près de 1.500 personnes, dont des centaines d'enfants, étaient mortes dans une attaque chimique près de Damas, imputée au régime, il n'avait pourtant pas déclenché de frappes américaines.