15.09.11 - CPI/ONG - HRW CRITIQUE FORTEMENT LE PROCUREUR LUIS MORENO OCAMPO

La Haye, 15 septembre 2011 (FH) - A trois mois de l'élection du futur procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Human Rights Watch (HRW) dresse un bilan critique de la politique pénale de Luis Moreno Ocampo. Dans un rapport daté du 15 septembre et intitulé « Unfinished Business », l'organisation de défense des droits de l'homme estime que la stratégie incohérente du procureur a suscité des doutes sur son indépendance, et affecté la crédibilité de la Cour. Le mandat de Luis Moreno prendra fin en juin 2012.

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 « L'absence de stratégies plus cohérentes et plus efficaces a miné la perception d'indépendance et d'impartialité, menaçant la crédibilité de la Cour », écrivent les auteurs du rapport.   

Human Rights Watch analyse notamment les enquêtes conduites en République démocratique du Congo (RDC), en Ouganda, en République Centrafricaine (RCA) et au Darfour, et note que les décisions prises jusqu'à aujourd'hui « ont déjà endommagé la crédibilité et la légitimité de la CPI (...) et pourraient, à long terme, miner sa mission de lutte contre l'impunité ». L'organisation suggère au futur procureur de compléter les enquêtes en cours.

HRW regrette que les 11 mandats d'arrêt délivrés pour des crimes commis en RDC, en Ouganda et en Centrafrique ne ciblent que des chefs rebelles. Ainsi, concernant le Congo, l'organisation estime qu'entre 1998 et aujourd'hui, des responsables « politiques et militaires à Kinshasa, comme en Ouganda et au Rwanda, ont joué un rôle prépondérant dans la création, le soutien, et l'armement des milices associées à Lubanga, Ntaganda, Katanga et Ngudjolo ».

Human Rights Watch a coopéré avec le procureur dans plusieurs affaires, particulièrement sur les crimes commis en Ituri. Pour elle, l'absence de mandats d'arrêt contre des chefs rebelles Ngiti et Lendu a donné l'impression à la communauté Hema que le procureur conduisait une « justice sélective », ce qui « pourrait avoir exacerbé les tensions ethniques » en Ituri.

HRW demande aussi au procureur de poursuivre les responsables de l'armée congolaise et du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), une milice active dans le Kivu dont l'ancien chef, Laurent Nkunda, a bénéficié du soutien des autorités rwandaises. L'organisation prévient que si des responsables de haut niveau ne sont pas poursuivis, cela « risque de renforcer les perceptions selon lesquelles la CPI ne peut poursuivre les responsables des gouvernements sur lesquels elle s'appuie pour la coopération », compromettant ainsi son indépendance.

Concernant l'Ouganda, HRW demande au procureur de se prononcer clairement sur les poursuites qu'il entend engager, ou non, contre des responsables de l'armée ougandaise, pour les crimes commis lors de la guerre contre l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). Les rebelles de Joseph Kony, inculpé par la Cour avec deux autres miliciens, continuent de sévir dans l'est de la RDC et en Centrafrique. HRW invite le procureur a compléter ses accusations et à les poursuivre pour les crimes en cours.

A propos du Darfour, HRW rappelle qu'après avoir inculpé deux responsables de niveau intermédiaire, le procureur a ensuite poursuivi le chef de l'Etat soudanais, Omar Al-Bachir. Or pour l'organisation, la poursuite de cinq autres hauts responsables, dont le second vice-président, Ali Osman Taha et de l'ex chef des services de renseignements, le général Salah Abdallah Ghosh, aurait donné une vision plus cohérente de sa stratégie.

Depuis son entrée en fonction en juin 2003, Luis Moreno Ocampo a engagé des poursuites contre vingt-six suspects, pour l'essentiel des Africains. Dix sont toujours en fuite, deux sont décédés et un rebelle du Darfour, Idriss Abou Garda, a fait l'objet d'un non lieu.

SM/GF

© Agence Hirondelle