« Monsieur Mbarushimana représentait la face respectable des FDLR » selon la procureure adjointe, Fatou Bensouda. Pour l'accusation, « les FDLR ont mis en place une politique délibérée d'attaques visant des civils afin de provoquer une catastrophe humanitaire, qui, de par son ampleur, devait pousser la communauté internationale à forcer le Rwanda à accepter le retour au pays des membres des FDLR en toute impunité pour leurs actions antérieures, et leur offrir un droit de participation à la vie politique. »
Attaques, pillages, meurtres, village brûlés, la liste des crimes des FDLR est longue, documentée. Le plus difficile à démontrer est cependant la participation du suspect rwandais à ces crimes. « Le suspect a participé à ces crimes en orchestrant la campagne internationale de propagande des FDLR. Il devait convaincre que les atrocités ne cesseraient pas tant que les gouvernements de la République du Congo et du Rwanda ne cèderaient pas à leurs exigences. »
Pour l'accusation, l'informaticien rwandais, ancien fonctionnaire des Nations unies, appartenait à la branche politique du mouvement en Europe, « au sein de laquelle le suspect avait pour rôle de maquiller les FDLR en un mouvement politique, pacifique et modéré, désireux de parvenir à un règlement du conflit ».
Maniant l'ironie, l'avocat de la défense maître Nick Kaufman a contre-attaqué : « Jamais autant n'a été dépensé pour prouver si peu ». Pour lui, le dossier du procureur est vide. « La justice n'est pas un processus initié parce que quelqu'un à New York, à Kinshasa ou quelque part ailleurs, a décidé qu'un individu devait payer pour les crimes commis par les FDLR dans les Kivus ». L'avocat s'est encore interrogé, sans apporter de réponses, sur les raisons pour lesquelles l'accusation a poursuivi les FDLR, mais non les Forces armées congolaises ou les autres milices actives dans le Kivu.
Pour Nick Kaufman, la thèse du procureur est intenable : « De son appartement de Paris, avec sa femme, ses trois enfants, il envoyait des communiqués », au fin fond du Congo. Depuis Paris, « il orchestrait un complot pour créer une catastrophe humanitaire ! » La liberté d'expression existe en France, rappelle-t-il. « Devons-nous punir un homme pour avoir exercé ses droits à la liberté d'expression ? »
Maître Kaufman a nié que son client aie menti lors de rencontres avec des médiateurs internationaux ou dans ses communiqués, mais a interrogé plus avant : « Y a-t-il quelqu'un qui pense sérieusement que mentir à la Communauté internationale est un crime pénal ? » L'avocat israélien a ensuite mis au défi le procureur de fournir les preuves du complot, les communications entre le Kivu, où agissaient les miliciens, et Paris. «Est-ce que c'était par télépathie ? »
Les audiences se poursuivront jusqu'au 21 septembre. Arrêté à Paris le 11 octobre 2010, Callixte Mbarushimana est incarcéré à la prison de la CPI, aux Pays-Bas, depuis janvier 2011.
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