03.10.11 - FRANCE/RWANDA - L'AFFAIRE DU SÉJOUR DE GRATIEN KABILIGI PORTÉE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

Paris, 3 octobre 2011 (FH) - Le ministère de l'Intérieur a porté devant le Conseil d'Etat la bataille juridique sur la demande de séjour en France de Gratien Kabiligi, ancien général de l'armée rwandaise acquitté en 2008 par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a-t-on appris lundi de source judiciaire.

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Sanctionné à deux reprises par le tribunal administratif de Nantes pour son refus d'accueillir sur le territoire français M. Kabiligi, le ministère de l'Intérieur s'est pourvu en cassation le 8 septembre dernier devant la plus haute juridiction administrative française.

Le ministère demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 23 août dernier, par laquelle le juge président du tribunal administratif de Nantes, Bernard Madelaine, lui a enjoint « de prendre une nouvelle décision dans [un] délai de quinze jours », estimant qu'il « se contente d'allégations nullement étayées ». Le juge nantais avait estimé que M. Kabiligi pouvait « légitimement aspirer, après une longue séparation, à retrouver les membres de sa famille (épouse et filles) qui vivent en France et sont de nationalité française ».

De son côté, maître Alexandre Varaut, avocat du Rwandais acquitté par le TPIR, a demandé le 30 septembre au tribunal de Nantes de contraindre le ministère de l'Intérieur à réviser son refus. « Les quinze jours sont largement expirés, je demande au juge d'ordonner une astreinte, parce que sa décision n'a pas été respectée »,a-t-il précisé à l'Agence Hirondelle.

« Ce qui est quand même invraisemblable c'est que l'Etat soit ainsi hors la loi. Qu'il saisisse le Conseil d'Etat c'est possible, mais qu'il ne respecte pas une décision de justice, c'est assez inouï. J'ai lu le mémoire déposé par le ministre : M. Kabiligi serait un représentant du ‘hutu power', mais quelle est la pièce qui l'établit ? Rien, néant, zéro ! », commente Me Varaut.

Selon le ministère de l'Intérieur, accorder un visa long séjour à l'ancien haut gradé rwandais pourrait constituer « un trouble à l'ordre public ».

La venue en France de Gratien Kabiligi « renforcerait aux yeux des autorités rwandaises le fait que cette dernière héberge des ‘présumés génocidaires' et la diaspora du ‘Hutu power' ce qui affecterait les relations diplomatiques avec le Rwanda » et pourrait « troubler » la communauté rwandaise de France, avait par ailleurs argumenté le ministère des Affaires étrangères pour justifier le refus de visa.

Arrêté en 1997, Gratien Kabiligi a été acquitté par le TPIR le 18 décembre 2008. Innocentés avant lui par le tribunal d'Arusha, deux anciens bourgmestres ont déjà été accueillis sur le territoire français.

Le 6 juin dernier, la présidente du tribunal d'Arusha avait lancé un appel aux États pour accueillir les personnes acquittées par sa juridiction. Faute d'avoir trouvé un pays d'accueil, Gratien Kabiligi et deux autres anciens suspects innocentés vivent depuis plusieurs années dans une résidence protégée par les Nations unies, à Arusha.

Acquittés vendredi par le TPIR, les deux anciens ministres Casimir Bizimungu et Jérome Bicamumpaka vont à leur tour devoir trouver un pays d'accueil.

FP/GF

© Agence Hirondelle