Les avocats d'Eugène Rwamucyo, jugé devant la cour d'assise de Paris pour ses agissements lors génocide des Tutsi en 1994, ont demandé mardi le renvoi du procès, dénonçant un nombre trop important de demandes de constitutions de partie civile.
"Ce matin, on nous a présenté environ 800 demandes de constitution de partie civile pour des personnes physiques alors que jusqu'à présent il n'y en avait que quatre, toutes des associations", a fustigé Me Philippe Meilhac.
"Ce procès n'est pas en état d'être jugé sereinement", a poursuivi le conseil de l'accusé, qui aurait voulu connaître au préalable l'identité de ces personnes et leur lien avec ce qui est reproché à son client.
Eugène Rwamucyo est accusé de génocide, complicité de génocide, crimes contre l'humanité et complicité de crimes contre l'humanité, ainsi que pour entente en vue de la préparation de ces crimes.
Il lui est reproché d'avoir soutenu et relayé les mots d'ordres des autorités nationales incitant la population à s'en prendre à la minorité tutsie, dans la presse de propagande hutue et lors d'un discours à l'université de Butare dans le sud du pays, le 14 mai 1994 en présence de Jean Kambada, Premier ministre du gouvernement intérimaire.
Selon des témoins, M. Rwamucyo, alors médecin-enseignant à l'université, aurait également participé à l'exécution de blessés et à l'enfouissement de corps dans une fosse commune "dans un ultime effort de supprimer les preuves du génocide".
"C'est vrai que nous avons des demandes de constitution de partie civile tardives, mais qu'est-ce que ça change? ", a répondu Me Michel Laval, avocat du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) à son confrère de la défense. "Ce qui vous gène c'est qu'on voit apparaître le visage des personnes qui ont été victimes de M. Rwamucyo.
L'accusé, qui comparaît libre sous contrôle judiciaire, a pris méticuleusement en note tous les débats, assis à une petite table à quelques mètres des bancs occupés par un important public.
"Il est temps, 30 ans après le génocide, que M. Rwamucyo rende comptes de ses actes", a pour sa part déclaré l'avocat général demandant à la cour de refuser le renvoi du procès.
"Ces 800 personnes sont des victimes directes ou des parents, des proches de victimes. Le but de ces constitutions de partie civile, c'est de mettre un visage sur des crimes de masse" a-t-il conclu avant que la cour ne parte délibérer.
Entre avril et juillet 1994, plus de 800.000 personnes ont été tuées selon l'ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsie.
Praticien en France et en Belgique après son départ du Rwanda, Eugène Rwamucyo, 65 ans, est le huitième Rwandais jugé en France pour sa participation au génocide des Tutsi, instigué par le gouvernement hutu. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.