Le tribunal spécial du Bangladesh qui enquête sur les accusations de crimes contre l'humanité à l'encontre de l'ex-Première ministre Sheikh Hasina et de ses alliés a besoin d'une réforme fondamentale pour assurer des procès équitables, a déclaré mercredi le haut-commissaire de l'ONU aux Droits de l'Homme.
Mme Hasina, qui régnait d'une main de fer sur le Bangladesh depuis 2009, a été chassée par un mouvement de protestation qui l'a contrainte à fuir en Inde en août dernier.
Des dizaines de ses fidèles ont depuis été arrêtés et certains font l'objet d'une enquête menée par le Tribunal pour les crimes internationaux (TCI) pour la répression du mouvement de protestation qui a mené à leur chute.
"Si vous regardez le TCI, tant pour la manière dont la loi a été créée que pour la manière par laquelle le tribunal a été mis sur pied, il y a des questions de conformité avec les règles du droit international", a déclaré le haut-commissaire de l'ONU Volker Türk à des journalistes à Dacca.
"Ces questions doivent être réglées pour permettre des procès justes et un processus adapté. La réforme est cruciale", a-t-il ajouté.
Le TCI a été créé en 1972, sous l'autorité de Mme Hasina, d'abord pour juger les crimes commis lors de la guerre d'indépendance de 1971.
Mais il a rapidement été considéré comme un moyen pour la Première ministre d'écarter des opposants politiques, et les Nations unies ont critiqué à de nombreuses reprises les manquements dans le procès et la condamnation à mort de plusieurs leaders politiques islamistes dans la dernière décennie.
Le TCI a émis des mandats d'arrêt à l'encontre de Mme Hasina et d'une quarantaine de responsables liés à ce régime.
L'ex-Première ministre pour sa part reste refugiée en Inde.
Plus de 700 personnes ont été tuées, la plupart dans des interventions brutales des forces de l'ordre, dans les semaines qui ont précédé son exil.
- "Crucial de reconstruire l'espace public" -
M. Türk achevait mercredi une visite de deux jours dans le pays, lors de laquelle il a rencontré des membres du gouvernement intérimaire mené par le Prix Nobel de la paix Muhammad Yunus.
Il a estimé que le Bangladesh avait une chance de mettre en chantier des réformes importantes et de rebâtir les institutions mises à mal par 15 ans de régime autocratique.
"Il y a de réelles possibilités, et certainement de grandes attentes, pour des changement fondamentaux pour le meilleur", a-t-il dit.
"Cette fois il doit y avoir de la justice. Les réformes doivent être réalisables et durables pour empêcher tout retour des pratiques abusives des dernières décennies".
Le règne de Mme Hasina a vu des atteintes aux droits de l'homme largement répandues, comme l'arrestation massive et les exécutions extrajudiciaires de ses opposants politiques.
Mettant en garde contre les "cycles de revanche", le haut-commissaire a salué les premières réformes engagées par le gouvernement de M. Yunus, visant à "mettre fin à des décennies de divisions politiques intenses".
"Pour restaurer la cohésin sociale et la confiance dans les institutions (...) il sera crucial de reconstruire l'espace public qui a été progessivement étouffé ces derières années", a-t-il ajouté.