Le Soudan du Sud a instauré vendredi un couvre-feu nocturne, au lendemain de la mort de plusieurs personnes à l'issue d'une manifestation ayant dégénéré en pillages de commerces appartenant à des Soudanais, qui se sont propagés à d'autres villes du jeune pays frappé par une instabilité chronique.
La police a tiré des coups de feu jeudi soir pour disperser un rassemblement organisé dans la capitale Juba pour protester contre des informations faisant état du meurtre récent de 29 citoyens sud-soudanais à Wad Madani, dans l'Etat d'Al-Jazira au Soudan voisin en proie à la guerre, qui avait dégénéré en pillages de commerces appartenant à des Soudanais.
"L'incident a entraîné des tirs" qui ont fait "trois morts et sept blessé", a déclaré dans un communiqué le porte-parole de la police, le colonel John Kassara.
La Mission des Nations unies dans le pays (Minuss) a appelé "au rétablissement immédiat du calme après une flambée de violence qui a fait un nombre non vérifié de victimes".
Vendredi, une manifestation anti-soudanaise a à nouveau eu lieu dans la capitale, composée surtout de jeunes défavorisés, a constaté un journaliste de l'AFP.
Pour éviter de nouveaux incidents, l'inspecteur général de la police Abraham Manyuat a ordonné, s'exprimant à la télévision publique, la South Sudan Broadcasting Corporation, "un couvre-feu à partir de 18H00" (17H00 GMT).
La situation restait tendue vers 18H00, et l'armée a annoncé le déploiement de forces supplémentaires dans les zones touchées par les émeutes jeudi soir.
Des rassemblements similaires ont aussi été organisés vendredi dans les villes de Bor, Aweil et Wau, entre autres, où des pillages ont également eu lieu.
Des incendies ont été déclaré dans trois maisons appartenant à des ressortissants soudanais d'un quartier résidentiel après un incident similaire à Aweil jeudi, ont précisé les forces de l'ordre, qui assurent en outre avoir "réussi à sauver 45 commerçants soudanais à Juba".
Lors d'un briefing à la presse depuis le quartier général de l'armée à Bilpam, un porte-parole militaire a indiqué que plus de 600 ressortissants soudanais avaient été amenés sur les lieux afin de les protéger de la foule en colère. Ils étaient des centaines assis à même le sol, a observé un journaliste de l'AFP.
Le président Salva Kiir a également appelé "à la retenue", rappelant le "devoir d'offrir protection et soutien aux réfugiés soudanais qui ont fui la guerre".
Il a aussi indiqué dans un communiqué avoir demandé au Soudan une enquête, et sommé les forces de sécurité sud-soudanaises de "veiller à ce que personne ne se fasse justice lui-même".
"J'ordonne en outre à toutes les forces organisées qui ne sont pas en service de se présenter à leurs unités et à leurs casernes pour obtenir de nouvelles directives", a-t-il ajouté.
- Instabilité chronique -
Le Soudan du Sud "a fourni une protection et un soutien indispensables à des centaines de milliers de réfugiés et de rapatriés qui ont fui le conflit au Soudan depuis son début en avril 2023", a rappelé la Minuss.
Le Soudan du Sud a obtenu l'indépendance du Soudan en 2011 mais est depuis frappé par l'instabilité chronique, les luttes de pouvoir, la corruption et les conflits ethniques locaux.
En 2013, le plus jeune pays du monde a plongé dans une guerre civile meurtrière opposant les rivaux Salva Kiir et Riek Machar, faisant plus de 400.000 morts et des millions de déplacés.
En novembre, des tirs nourris avaient été échangés à Juba à la résidence du puissant ex-chef des services de renseignement Akol Koor, tout juste limogé.
Le Soudan est de son côté en proie à une guerre, depuis avril 2023, opposant l'armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) menés par son ancien allié, le général Mohamed Hamdane Daglo.
Le conflit a tué des dizaines de milliers de personnes, déplacé 12 millions de personnes, et des centaines de milliers de personnes sont victimes de la famine.
L'armée soudanaise a réussi à avancer cette semaine sur Al-Jazira, reprenant la capitale de l'État, Wad Madani, aux FSR qui la contrôlaient depuis plus d'un an.
Vendredi, le Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk a déclaré que la guerre au Soudan devenait "encore plus dangereuse pour les civils", après la mort de plus d'une douzaine de personnes dans des attaques à caractère ethnique contre des groupes minoritaires dans l'Etat central d'Al-Jazira.
Il existe "des preuves de crimes de guerre et d'autres atrocités", a-t-il ajouté sur X.
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