Est de la RDC: au-delà des minerais, d'autres moteurs dans le conflit

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Le contrôle des minerais stratégiques pour l'industrie électronique est souvent cité comme l'un des moteurs du conflit entre le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda et la République Démocratique du Congo (RDC). Mais il n'est pas le seul dans cette région, l'une des plus instables au monde.

La RDC - qui a perdu la semaine dernière la contrôle de Goma, principale ville de l'est du pays, passée sous le contrôle du M23 - et le Rwanda fournissent ensemble environ la moitié du coltan mondial, un minerai essentiel à la fabrication des téléphones et des ordinateurs portables.

Selon des experts des Nations unies, des organisations de défense des droits humains et d'autres observateurs, le Rwanda fait sortir illégalement d'énormes quantités du minerai stratégique de l'est de la RDC, pour les vendre en son nom.

Avant Goma, le M23, réapparu en 2021 dans la région, avait notamment pris en avril dernier le contrôle de Rubaya, ville minière où est produit environ 15% du coltan mondial, selon des experts de l'ONU. Le groupe armé tire chaque mois environ 800.000 dollars de la vente du minerai, estiment-ils.

Kigali nie exporter illégalement des minerais de l'est de la RDC. Mais les analystes sont dubitatifs.

"Le Rwanda est toujours parmi les 10 plus grands exportateurs de coltan. Tout le monde sait que c'est impossible avec les réserves qu'ils ont. Il est évident que ce coltan provient de RDC", souligne Guillaume de Brier, spécialiste de la région pour l'institut de recherche International Peace Information Service (IPIS).

- Les Rwandais "paient bien" -

Pour les mineurs congolais, vendre au Rwanda permet d'éviter des formalités administratives et des taxes lourdes, explique M. de Brier. "Ce sont des gens qui ne mangeront pas s'ils ne gagnent pas de l'argent dans la journée. Ils voient qu'il est bien plus avantageux de vendre aux Rwandais qui paient bien et en espèces", dit-il.

Pour Robert Amsterdam, un avocat qui a lancé des poursuites contre Apple en France et en Belgique au nom du gouvernement congolais, les gouvernements et les entreprises occidentales sont responsables de la violence.

"L'industrie technologique a financé les crimes de guerre du Rwanda", dit-il à l'AFP.

Apple avait initialement affirmé qu'il n'y avait "aucune base raisonnable pour conclure" que ses produits contenaient des minerais exportés illégalement des zones de conflit.

Mais après le dépôt de la plainte pénale, le géant de la tech a déclaré avoir ordonné à ses fournisseurs de cesser de se fournir en minerais en RDC et au Rwanda.

"Apple a maintenant admis qu'ils ne peuvent pas distinguer la source des minerais", souligne l'avocat. "Cela signifie que toutes les chaînes d'approvisionnement de toutes les entreprises technologiques sont toutes entachées de manière égale."

Apple a déclaré "contester fermement" ces allégations, se disant "profondément engagé" dans l'approvisionnement responsable des minerais.

Le trafic de minerais dans l'est de la RDC se poursuit même quand le Rwanda n'est pas militairement actif dans l'est de la RDC, indique M. de Brier.

Selon l'agence Ecofin, les exportations de coltan du Rwanda ont augmenté entre 2014 et 2018, lorsque le M23 était inactif. Il y a aussi eu une augmentation "sans précédent" en 2023.

Pour M. de Brier, cela prouve que les minerais ne sont pas le principal moteur du conflit et que son escalade actuelle a d'autres causes. Notamment l'animosité personnelle entre le président rwandais Paul Kagame et le président congolais Félix Tshisekedi, souligne-t-il.

- Propriété des terres -

L'est de la RDC est secoué par des conflits entre groupes armés depuis des décennies, exacerbés après le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, qui a fait 800.000 morts selon l'ONU.

Et les préoccupations locales y sont les plus importantes, estime M. de Brier.

"Ces gens sont des agriculteurs - le véritable problème, c'est la propriété des terres," assure-t-il. "Pour les médias, c'est moins sexy que de parler de minerais de conflit."

Le M23, apparu à l'origine comme un défenseur de la minorité tutsi longtemps marginalisée en RDC, essaie "de démanteler les systèmes traditionnels de gestion des terres contrôlés par les chefs locaux", qui désavantagent sa communauté, poursuit M. de Brier.

Selon l'IPIS, les minerais ne sont qu'une partie du financement du M23, à laquelle s'ajoutent de lourdes taxes sur les barrages routiers (69.500 dollars par mois environ), des impôts domestiques, du travail agricole forcé et du trafic de bois et de charbon.

Mais cela n'exonère pas l'Occident de sa part de responsabilité dans les troubles, note M. Amsterdam, qui voit dans la situation dans l'est de la RDC "une catastrophe amenée par la technologie". L'avocat espère que la décision d'Apple de cesser de s'approvisionner dans la région déclenchera "une cascade de changements dans toute l'industrie technologique -- les Tesla, les Huawei, tous."

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