Soudan: les paramilitaires des FSR et leurs alliés signent une "charte fondatrice" d'un gouvernement parallèle

Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) et leurs alliés au Soudan ont signé à Nairobi "une charte fondatrice" d'un gouvernement parallèle, selon plusieurs sources, malgré les mises en garde sur un risque de "fragmentation" de ce pays ravagé par la guerre.

Le conflit qui oppose les FSR à l'armée régulière soudanaise depuis près de deux ans a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé plus de douze millions de personnes et engendré un désastre humanitaire.

La charte a été signée lors d'une réunion à huis clos dans la nuit de samedi à dimanche à Nairobi, sur fond de tensions diplomatiques avec le Kenya.

Les signataires du document, consulté par l'AFP, entendent créer un "gouvernement de paix et d'unité" dans les zones du Soudan contrôlées par les rebelles.

Ils s'engagent à "construire un Etat laïque, démocratique, décentralisé, basé sur la liberté, l'égalité et la justice, sans parti pris culturel, ethnique, religieux ou régional."

Ce "gouvernement", affirment-ils encore, visera à mettre fin à la guerre, à assurer l'accès sans entrave de l'aide humanitaire et à créer une "nouvelle armée nationale, unifiée, professionnelle", reflétant "la diversité et la pluralité" du Soudan.

En réaction, le ministre soudanais des Affaires étrangères, Ali Youssef, a déclaré dimanche que son pays "n'acceptera(it) pas" la reconnaissance d'un "gouvernement parallèle".

Lors d'une conférence de presse avec son homologue égyptien Badr Abdelatty au Caire, il a prévenu : "Nous n'accepterons pas qu'un autre pays reconnaisse ce qui est appelé un gouvernement parallèle".

Les Forces civiles unifiées, une large coalition comptant des partis politiques, représentants de la société civile et factions armées, ont confirmé à l'AFP la signature de cette charte.

Najm al-Din Drisa, porte-parole de cette coalition, a déclaré à l'AFP que ce gouvernement parallèle pourrait être formé "d'ici un mois" au Soudan.

Une faction du Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (SPLM-N) dirigée par Abdelaziz al-Hilu et qui contrôle des parties des Etats du Kordofan et du Nil-Bleu a également signé le texte.

Mohamed Hamdan Daglo, chef des FSR, n'était pas présent mais son frère et n°2 des paramilitaires Abdel Rahim Daglo, a signé le document.

- Risque de "fragmentation" -

La guerre, initialement déclenchée par des désaccords sur l'intégration des FSR dans l'armée, a déchiré le pays, l'armée contrôlant l'est et le nord du Soudan, et les FSR dominant la quasi-totalité de la région occidentale du Darfour et des pans du sud du pays.

Ces dernières semaines, l'armée a mené une offensive dans le centre du pays, reprenant des villes-clefs et la quasi-totalité de Khartoum.

Elle a affirmé dimanche avoir brisé le siège autour de la ville-clef d'El-Obeid, dans le sud du pays.

Dans un communiqué, Nabil Abdallah, son porte-parole, a affirmé que ses forces avaient "réussi à rouvrir la route vers El-Obeid et à faire la jonction" avec des soldats à l'est de la ville, chef lieu de l'Etat du Kordofan du Nord.

L'armée et les FSR sont accusées de crimes de guerre, mais les paramilitaires se distinguent par des exécutions de masse à caractère ethnique, des violences sexuelles et de graves violations des droits humains sur leurs territoires.

La démarche politique des FSR pourrait accroître la "fragmentation" du Soudan et "aggraver la crise", a mis en garde mercredi le porte-parole du secrétaire général de l'ONU. La Ligue arabe a elle condamné jeudi "toute mesure susceptible de porter atteinte à l'unité du Soudan".

Selon l'analyste politique soudanaise Kholood Khair, les FSR entendent acquérir "une force aérienne", faciliter la livraison d'aide humanitaire et sécuriser leur position de négociation.

"Ils veulent entrer dans des médiations en tant que gouvernement et non comme milice", a-t-elle dit à l'AFP.

Cameron Hudson, chercheur au Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) estime de son côté que l'initiative a pour objectif de "réussir politiquement ce que les FSR ne peuvent pas réussir sur le champ de bataille".

- "Intérêts commerciaux" -

Le Kenya a été critiqué pour l'accueil de cette initiative par le gouvernement soudanais, qui a rappelé son ambassadeur à Nairobi jeudi, accusant le président William Ruto d'agir selon "ses intérêts commerciaux et personnels avec les sponsors régionaux de la milice", une allusion claire aux Emirats arabes unis.

Abou Dhabi est régulièrement accusé de soutenir les FSR, ce qu'il dément.

Le mois dernier, le Kenya et les Emirats arabes unis ont signé un accord économique qualifié de "jalon historique" par la présidence kényane.

Dimanche soir, le ministre kényan des Affaires étrangères Musalia Mudavadi a salué "la signature d'un accord de paix et la formation d'un gouvernement d'unité" entre acteurs soudanais.

"Le Kenya reste constant dans son soutien à des solutions portées par les Soudanais et détenues par les Soudanais", a-t-il écrit sur X, louant la présidence kényane pour avoir "résisté aux pressions extérieures et aux narratifs erronés sur les intentions du sommet."

bur-maf-md-mm/cab

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