A l'arrivée du cacique Raoni, les autres leaders autochtones se lèvent. Et ils l'écoutent lorsque le chef indigène le plus respecté du Brésil dit sa détermination à convaincre Lula de cesser de soutenir un projet pétrolier près de l'Amazonie.
Reconnaissable entre tous grâce à son imposant plateau labial, le chef du peuple kayapo poursuit son combat pour dénoncer face aux dirigeants mondiaux les menaces qui pèsent sur les autochtones et sur l'environnement, notamment la déforestation et les activités minières illégales.
Alors que le Brésil accueille en novembre la conférence de l'ONU sur le climat COP30, dans la ville amazonienne de Belem, Raoni annonce lors d'un rare entretien à l'AFP qu'il va recevoir prochainement dans une réserve autochtone le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva.
Lors de cette visite, il a l'intention de réclamer au chef de l'Etat de renoncer à soutenir un méga-projet d'exploration off-shore non loin de l'embouchure de l'Amazone, dénoncé par les défenseurs de l'environnement.
Cette rencontre doit avoir lieu début avril, selon son entourage et des responsables locaux, bien que le gouvernement n'ait pas encore confirmé cette information.
Le cacique Raoni Metuktire était un des invités de marque de l'investiture de Lula en janvier 2023 à Brasilia pour son troisième mandat (après un premier passage à la présidence de 2003 à 2010).
Nonagénaire selon la plupart des estimations (sa date de naissance exacte demeure inconnue), Raoni a dû quitter pour des raisons de santé Metuktire, un village d'environ 400 habitants au bord de la rivière Xingu, pour s'installer à Peixoto de Azevedo, ville de l'Etat du Mato Grosso do Sul (centre-ouest).
C'est dans cette ville qu'il a reçu l'AFP la semaine dernière, au siège de son institut de défense des communautés autochtones. Ses propos en langue kayapo ont été traduits en portugais par un interprète.
QUESTION: Quel message adresserez-vous aux dirigeants mondiaux qui seront présents à Belem pour la COP30?
RÉPONSE: "Lors de la COP30 nous aurons l'opportunité de rassembler des chefs d'Etat pour tenter de trouver un accord afin de combattre le changement climatique.
Je vais leur dire qu'il faut qu'ils fassent en sorte d'éviter un problème encore plus grave à l'avenir. Notre Créateur nous surveille. Certaines personnes pensent à détruire la nature, les rivières. En tant qu'êtres humains, nous avons une seule origine et nous devons vivre en harmonie, protéger la nature, pour le bien-être des indigènes et des non-indigènes".
Q: Pensez-vous que Lula tient sa promesse de faire du Brésil un leader du combat contre le changement climatique?
R: "Je lui en ai parlé personnellement au moment de son investiture. Je lui ai demandé de ne pas répéter les erreurs du passé, comme quand il a fait construire sans nous consulter le barrage de Belo Monte (très critiqué par les défenseurs des autochtones et de l'environnement, dans l'Etat amazonien du Para, ndlr).
Quand il viendra sur mon territoire, nous parlerons de réserves qui n'ont pas encore été octroyées à certains peuples autochtones. Je continuerai à le soutenir pour qu'il puisse garantir leur bien-être au sein de leurs territoires".
Q: Que pensez-vous du projet d'exploration pétrolière près de l'Amazonie, que Lula appelle publiquement de ses voeux, dans l'attente d'une décision sur l'octroi ou non d'une licence environnementale?
R: "J'ai des informations à ce sujet et j'aurai l'opportunité d'en parler à Lula. Je lui demanderai de ne pas encourager ce projet d'exploration pétrolière".
Q: Quel est l'impact du changement climatique sur la vie de votre peuple?
R: "Les cours d'eau sont de plus en plus pollués, il y a des pluies qui inondent tout et tuent les plantes qui nous nourrissent. Nous sommes tous de plus en plus affectés".
Q: Des métropoles brésiliennes sont déjà touchées de plein fouet par le réchauffement, comme Porto Alegre (sud) qui a subi de terribles inondations l'an dernier. Pensez-vous que cela peut contribuer à sensibiliser les non-indigènes?
R: "Je demande aux non-indigènes d'observer ce qui se passe, les conséquences de la destruction de la nature. J'ai fait un rêve: que le Créateur fasse un nettoyage avec le sang répandu sur notre terre. Une grande inondation pourrait recouvrir toute la planète pour que ce nettoyage ait lieu. Les non-indigènes devraient penser comme nous à maintenir l'équilibre climatique pour que nous puissions survivre ensemble".
Q: Vous avez porté plainte contre l'ex-président d'extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022), climato-sceptique notoire, à la Cour pénale internationale (CPI). Que pensez-vous de ses démêlés actuels avec la justice brésilienne?
R: "Bolsonaro a un problème dans sa tête. Il ne réfléchit pas comme il faut et ce n'est pas une bonne personne. J'ai vu qu'il pourrait être incarcéré (pour projet présumé de coup d'Etat, ndlr) et j'y suis totalement favorable".