05.07.12 - CPI/KADHAFI - EMBARRAS A LA CPI APRES LA LIBERATION DES QUATRE EMPLOYES DETENUS EN LIBYE

La Haye, 4 juillet 2012 (FH) – La libération, le 2 juillet, des quatre employés de la Cour pénale internationale (CPI) détenus pendant 25 jours en Libye, n’a permis de régler aucune des questions qui avaient été à l’origine de leur mission à Zintan. Les négociations ayant abouti à leur relâchement ont au contraire soulevé un certain nombre de questions nouvelles, et sont perçues comme ayant affaibli la position de la CPI face à Tripoli.

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Désignée par les juges pour représenter SaÏf al-Islam – que la CPI accuse de crimes contre l’humanité - en attendant qu’il puisse lui-même choisir un avocat, Melinda Taylor avait été arrêtée le 7 juin par la brigade de Zintan pour espionnage, avec son interprète, Hélène Assaf. Elle devait recueillir la position de son client sur une requête libyenne: Tripoli réclame le droit de  juger Saïf Al-Islam devant ses propres tribunaux. Les deux autres employés du greffe, Esteban Peralta et Alexander Kodhakov, devaient demander à Saïf Al-Islam Kadhafi de désigner un avocat de son choix.

S’ils bénéficient de l’immunité dans le cadre de leurs fonctions, la libération des quatre fonctionnaires doit théoriquement être suivie d’une enquête interne sur les faits ayant mené à leur arrestation. Le 2 juillet, le président de la CPI,Sang-Hyun Song, avait ainsi assuré que la Cour enquêterait sur cette affaire et sanctionnerait, le cas échéant, l’avocate soupçonnée par les autorités libyennes d’avoir transmis des documents sensibles à Saif al-Islam Kadhafi. Néanmoins, la surveillance de la rencontre de l'avocate avec son client constitue une violation des droits de la défense.

Le 2 juillet, un responsable du parquet général de Libye indiquait à la BBC qu’une audience se tiendrait dans cette affaire le 23 juillet, mais que les quatre employés n’étaient pas tenus de s’y présenter. Le porte-parole de la CPI, Fadi Abdallah, a de son côté indiqué : « nous devons recevoir les informations que nous avons demandées des autorités libyennes. Par la suite, une décision pourra être prise sur la question des procédures ».

En attendant les résultats de l'enquête interne, l'avocate australienne représente toujours Saïf Al-Islam Kadhafi devant la chambre préliminaire et est donc toujours tenue de remettre aux juges les positions de son client sur la demande de Tripoli de le juger en Libye. L'avocate n'ayant cependant plus la possibilité de contacter Saif al-Islam Kadhafi, les juges pourraient cependant être contraints de désigner un autre avocat.

Jointe par téléphone, Mishana Hosseinioun, une amie de Saïf Al-Islam Kadhafi qui avait mené plusieurs initiatives pour qu’il puisse contacter sa famille et désigner un avocat de son choix, estime que sa position est plus difficile que jamais : « désormais, dit-elle, il sera dangereux pour quiconque de le représenter, même pour un avocat libyen ».

Mareck Marczynski, responsable des questions de justice internationale à Amnesty International, est du même avis. Il considère que ces événements ont « sapé le droit de Saïf Al-Islam Kadhafi à une défense efficace et retardé la décision de la CPI sur la requête des autorités libyennes de le juger devant les tribunaux libyens ». Il estime en outre que la détention des quatre fonctionnaires démontre « que [Saif al-Islam] ne recevra pas un procès équitable s’il est poursuivi en Libye ».

Où sera jugé Saïf Al-Islam Kadhafi ? La question n’a pas encore été tranchée par les juges de la CPI, mais la détention des quatre fonctionnaires pourrait considérablement retarder la procédure. Il sera difficile à la chambre préliminaire d’accepter de renvoyer l’affaire Kadhafi à la Libye, qui doit prouver qu’elle a les moyens politiques et logistiques de conduire un procès équitable.

SM/ER/GF