La Cour de cassation a demandé mercredi à la cour d'appel de Paris de réexaminer les poursuites qu'elle avait annulées pour génocide visant une revenante française de Syrie, suspectée d'avoir dans ce pays au printemps 2015 réduit en esclavage une adolescente yézidie, selon un arrêt consulté vendredi par l'AFP.
Un juge d'instruction du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris avait fait en septembre de Sonia Mejri, 35 ans, ex-épouse d'Abelnasser Benyoucef, un émir du groupe Etat islamique (EI), la première revenante française de Syrie à comparaître en France pour génocide sur les Yazidis, minorité ethnoreligieuse kurdophone.
Mais la cour d'appel de Paris avait infirmé cette décision en janvier, ne retenant que les poursuites pour des infractions terroristes ainsi que pour complicité de crimes contre l'humanité.
La Chambre criminelle de la plus haute juridiction judiciaire française a cassé cet arrêt mercredi au terme d'un débat sur l'interprétation de la loi.
Elle a estimé que l'on pouvait être poursuivi pour génocide si l'on s'en était pris à un seul membre d'un groupe faisant l'objet d'"un plan concerté tendant à sa destruction totale ou partielle", et non nécessairement plusieurs comme le soutenait la cour d'appel de Paris.
Cette dernière devra donc réexaminer ces poursuites pour génocide, sachant que celles pour les infractions terroristes ainsi que pour complicité de crimes contre l'humanité sont actées.
"Je suis déçu par l'arrêt de la Cour de cassation, mais convaincu que ma cliente sera relaxée devant les juges du siège", a réagi Me Nabil Boudi, qui la défend.
"La cour n'a pas tranché sur les faits mais sur des questions de droit, qui ne remettent en cause en aucun cas l'innocence de ma cliente", a-t-il ajouté.
Les violences sexuelles ont été utilisées par les jihadistes de l'EI comme des armes pour briser la résistance des Yazidis et instaurer un climat de peur généralisé. En atteste notamment l'instauration de marchés aux esclaves sexuelles.
Sonia Mejri, elle, a contesté toute infraction liée à la Yazidie: son ex-mari en était le "propriétaire", avait-elle déclaré au cours de l'enquête, et elle n'avait "aucun droit" sur la jeune fille.
Elle avait elle-même formé un pourvoi contre l'arrêt d'appel.
Un procès par défaut a été ordonné contre Abdelnasser Benyoucef comme auteur de génocide et de crimes contre l'humanité, et pour des infractions terroristes. Visé par un mandat d'arrêt, il est présumé mort depuis 2016.