Des ONG de défense de victimes d'agressions sexuelles par des membres du clergé catholique ont dénoncé le silence passé du nouveau pape Léon XIV quand il était au Pérou puis au Vatican, ce que conteste son ancien évêché.
A peine élu souverain pontife jeudi, deux organisations spécialisées, SNAP et Bishop Accountability, ont remis en question par voie de communiqués l'engagement de Robert Francis Prevost, prélat américain de 69 ans, à lever le voile sur ce fléau.
En tant que chef de l'ordre des Augustins dans le monde entier, puis en tant qu'évêque du diocèse péruvien de Chiclayo entre 2015 et 2023, "il n'a publié aucun nom" de coupables, a dénoncé Anne Barrett Doyle, au nom de Bishop Accountability.
Il en a été de même pendant les deux années où il a dirigé le puissant dicastère (ministère) des évêques, un département clé du Vatican qui conseillait le pape François sur les nominations d'évêques, a-t-elle accusé.
Robert Francis "Prevost a supervisé les dossiers instruits (...) contre des évêques accusés d'agressions sexuelles et de dissimulation. Il a maintenu le secret sur ces procédures, ne dévoilant aucun nom ni information", a encore fustigé Mme Barrett Doyle.
"Sous sa direction, aucun évêque complice n'a été déchu de son titre. Le plus troublant est l'allégation de victimes dans son ancien diocèse au Pérou selon laquelle il n'a jamais ouvert d'instruction canonique sur des agressions sexuelles présumées commises par deux prêtres", a-t-elle martelé.
De son côté, le SNAP, qui défend des victimes de religieux pédocriminels, a indiqué qu'à l'époque où Robert Francis Prevost était évêque de Chiclayo, trois victimes présumées s'étaient confiées au diocèse. Mais sans résultat.
Elles s'étaient alors tournées vers les autorités civiles en 2022.
"Les victimes ont depuis affirmé que Mgr Prevost n'avait pas ouvert d'enquête, qu'il avait envoyé des informations inadéquates à Rome et que le diocèse avait permis au prêtre de continuer à dire la messe", selon SNAP.
En tant que responsable provincial des Augustins dans la région de Chicago, le futur pape a également permis à un prêtre accusé d'avoir agressé des mineurs de vivre dans un couvent augustinien près d'une école de la ville en 2000.
-"Discréditer" le nouveau pape -
Mais le successeur du nouveau pape à la tête de l'évêché de Chiclayo, Edison Farfan, a dénoncé une "polémique" visant à "discréditer le cardinal, affirmant qu'il n'avait rien fait".
"Il a écouté, il a respecté les procédures", a-t-il affirmé devant la presse.
Bishop Accountability a d'ailleurs aussi reconnu quelques actions positives de celui qui est devenu Léon XIV, notamment la dénonciation d'agressions et de corruption au sein de Sodalitium Christianae Vitae (SCV), une congrégation laïque ultraconservatrice au Pérou dissoute par François cette année.
Une victime, Pedro Salinas - journaliste auteur d'un reportage sur ce groupe - considère que Robert Francis Prevost fait partie des cinq évêques ayant joué un "rôle extrêmement important (...) au nom des victimes".
- "A l'écoute des victimes" -
Le président de la Conférence des évêques du Pérou, Carlos Garcia Camader, avait également défendu jeudi le bilan du nouveau pape.
En tant qu'évêque, il a "ouvert la voie ici au Pérou à l'écoute des victimes et à la mise en place d'une commission de vérité" dans le scandale du SCV, a-t-il assuré.
Les premières accusations de violences ont émergé au début des années 2000, mais l'affaire a explosé en 2015 avec un livre citant des victimes détaillant des "violences physiques, psychologiques et sexuelles" commises par les dirigeants du mouvement et son fondateur, selon Vatican News, le site officiel d'informations du Vatican.
A l'issue d'une enquête de sept ans, le pape François a dissous SCV quelques semaines avant sa mort. Environ 36 personnes, dont 19 mineurs, ont subi des violences, selon Vatican News.
En janvier, Mgr Prevost avait participé avec le pape François à une réunion avec Jose Enrique Escardo, l'une des premières victimes à dénoncer les agissements du mouvement religieux.
"Nous rejetons la dissimulation et le secret, cela fait beaucoup de mal, car nous devons aider les personnes qui ont souffert à cause d'actes répréhensibles", avait déclaré le futur pape au quotidien péruvien La República dans une interview en juin 2019.