"Nous devons tout tenter": le Vanuatu porte le combat climatique en justice

C'est l'affaire la "plus importante de l'histoire de l'humanité", assure le ministre de l'Environnement du Vanuatu Ralph Regenvanu, qui a décidé de saisir la justice internationale pour lui demander de rappeler aux gouvernements leurs obligations en matière d'action climatique.

Désabusé d'essayer de convaincre les Etats d'agir, ce petit archipel du Pacifique est déterminé à "tout tenter" pour éviter d'être englouti par la montée des eaux, a indiqué M. Regenvanu dans un entretien, réalisé par l'AFP en marge de la Conférence des Nations unies sur les océans à Nice.

Q : Pourquoi le Vanuatu a-t-il jugé nécessaire de saisir la CIJ ?

R : Nous avons pensé qu'il était nécessaire d'adopter une approche judiciaire de la question du changement climatique parce que nous estimons que le processus de la CCNUCC (les négociations dans le cadre des COP sur le climat, ndlr), qui dure depuis 30 ans, n'a pas fait avancer grand-chose.

Il a été convenu de réduire les émissions de gaz à effet de serre: nous avons vu les plus hauts niveaux (de CO2) tout récemment. On a parlé de financement de la lutte contre le changement climatique: nous n'avons rien vu venir. Les engagements pris (dans le cadre de l'accord de) Paris ? Ils n'ont eu aucun effet.

Nous voulions donc voir si nous pouvions faire en sorte que le droit international commence à imposer certaines exigences.

Q : Cela a-t-il fonctionné ?

R: Cette demande d'avis consultatif de la CIJ est historique. C'est la première demande d'avis consultatif de l'Assemblée générale des Nations unies qui ait été unanime. Aucun pays ne s'est opposé à cette demande.

Elle a également mobilisé les jeunes. Il existe aujourd'hui un mouvement mondial des jeunes en faveur de la justice climatique, et nous en avons beaucoup ici (à Nice, ndlr). Cela a vraiment sensibilisé les jeunes et les a poussés à s'engager dans ce type de processus.

Nous sommes allés droit au but. Beaucoup de pays parlent de ce qu'ils font pour lutter contre le changement climatique. Mais lorsque nous sommes arrivés au tribunal, il est apparu très clairement qu'ils n'étaient pas prêts à faire ce dont ils parlaient. Cela a donc mis en évidence l'hypocrisie d'un certain nombre de pays.

Q : De nombreux pays en développement sont déçus par le rythme des mesures prises dans le cadre des Nations unies sur le climat. Pensez-vous que d'autres vont emprunter la voie juridique ?

R : Nous allons devoir multiplier les actions en dehors des processus de l'ONU, devant les tribunaux, dans toutes les instances que nous pourrons trouver, pour faire pression en faveur d'une véritable action climatique.

Nous avons saisi le Tribunal international du droit de la mer et nous avons obtenu un avis consultatif. Nous attendons un avis consultatif de la Cour internationale de justice à la même question: les obligations des États en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et les conséquences en cas de non-respect.

Avec Fidji et Samoa, nous avons soumis une résolution à (...) la Cour pénale internationale pour qu'un nouveau crime d'écocide soit créé. La procédure est en cours.

Nous continuerons d'appeler à l'action la plus ferme dans toutes les enceintes, y compris celle-ci, la Conférence des Nations unies sur les océans.

Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir, car ce que nous faisons n'est pas suffisant.

Q : Mais pourquoi venir à ces conférences si vous êtes constamment déçu ?

R : Se rendre à la COP sur le climat est un exercice très déprimant. L'année dernière, par exemple, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a déclaré qu'elle n'irait plus. Je peux parfaitement comprendre cela.

Le problème, c'est que lorsque nous ne sommes pas à la table, nous sommes au menu. Nous devons donc être là, pour que les gens nous voient et réalisent - et, je l'espère, aient un peu de conscience - qu'il y a des gens dans le monde qui vont périr à cause de vos actions.

Q : Vous dites que ce sommet sur les océans est important, pourquoi ?

R: L'océan nous a nourris. Il a été notre foyer spirituel. Il a été notre autoroute. Il est à la base de notre patrimoine culturel, de notre identité. Nous avons survécu grâce à l'océan depuis que nous existons, c'est-à-dire depuis des milliers d'années.

Nous voyons le changement, et ce changement a un impact sur nous. Nous savons que si nous ne nous attaquons pas au changement climatique, notre existence même est menacée.

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