Sheikh Hasina, de la tête du Bangladesh à la condamnation à mort

Après la dictature militaire, elle a incarné l'espoir d'une transition démocratique au Bangladesh. Chassée du pouvoir par la rue en août 2024, l'ex-Première ministre en exil Sheikh Hasina a été condamnée à mort lundi, reconnue coupable de crimes contre l'humanité.

Au terme de cinq mois de procès en son absence, la justice bangladaise a reconnu la "bégum de fer" coupable d'avoir ordonné la répression des émeutes qui ont précipité la fin de son règne (2009-2024).

Selon l'ONU, ces violences ont causé plus de 1.400 morts, pour l'essentiel des manifestants.

Pendant plusieurs mois, de nombreux témoins se sont succédé à la barre du tribunal pour accuser l'ancienne cheffe du gouvernement, 78 ans, d'avoir ordonné à la police de tirer sur la foule.

Mme Hasina constituait "le noyau autour duquel tournait tous les crimes commis pendant la révolte des mois de juillet et août (2024)", a résumé le procureur Tajul Islam en réclamant son exécution.

Dans un entretien accordé le mois dernier à l'AFP depuis son exil indien, l'ancienne dirigeante a rejeté les charges "infondées" retenues contre elle. Elle a dénoncé lundi le verdict "motivé politiquement" rendu par le tribunal.

Tout comme elle a toujours réfuté la responsabilité de la longue liste des violations des droits humains - meurtres extrajudiciaires, enlèvements, tortures - et de multiples atteintes aux libertés que lui reprochent ses adversaires politiques.

- Coups d'Etat -

Fille aînée de Sheikh Mujibur Rahman, le père fondateur du Bangladesh qui a pris son indépendance du Pakistan en 1971, elle était au pouvoir depuis 2009, après un premier mandat entre 1996 et 2001.

Sous sa direction, le pays à majorité musulmane de 170 millions d'habitants, naguère l'un des plus pauvres de la planète, a accompli un bond en avant économique, notamment grâce à son industrie textile à bas coûts.

Avec une croissance annuelle de plus de 6% en moyenne depuis 2009, le Bangladesh a dépassé l'Inde voisine en revenu par habitant en 2021, malgré la persistance de fortes inégalités.

Réélue sans véritable opposition début 2024, elle avait promis faire du Bangladesh "un pays développé et prospère". Mais des millions de jeunes Bangladais sont restés au bord de la route, privés d'emplois.

L'histoire personnelle de Sheikh Hasina, née en 1947, est indissociable de celle de son pays.

En 1975, elle a 27 ans et se trouve à l'étranger quand son père, sa mère et ses trois frères sont assassinés à Dacca lors d'un coup d'Etat militaire.

Elle revient d'exil en Inde en 1981 pour prendre les rênes de l'Awami League, le parti fondé par son père. Les autorités lui imposent de fréquentes périodes d'assignation à résidence.

Elle s'allie alors à Khaleda Zia, cheffe du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) depuis le meurtre de son mari et président du pays Ziaur Rahman, tué en 1981 lors d'un autre coup d'Etat militaire.

- Répressions -

Unies contre la dictature militaire, les deux femmes et leurs partis entrent dans une féroce rivalité au retour de la démocratie en 1991.

Khaleda Zia est alors élue Première ministre, mais Sheikh Hasina lui succède pour un premier mandat à la tête du pays en 1996. Elle doit à nouveau s'incliner face à elle en 2001.

Les rivales sont finalement toutes deux emprisonnées pour "corruption" en 2007, lors d'un nouveau coup de force orchestré par l'armée. Elles bénéficient d'un non-lieu et l'année suivante Sheikh Hasina remporte largement les législatives.

Sous son règne, en 2018, sa rivale est condamnée à dix-sept ans de prison pour corruption. Comme elle, nombre de ses adversaires politiques sont visés par la répression.

Cinq dirigeants islamistes et une figure de l'opposition ont été exécutés sous son mandat pour des crimes commis remontant à la brutale guerre de libération du pays en 1971. D'autres sont emprisonnés, séquestrés voire exécutés, l'accusent opposition et ONG.

Sheikh Hasina a toujours contesté ces allégations. "En quinze ans, j'ai construit ce pays", déclarait-elle à des journalistes un mois avant sa chute. Lundi encore, elle a répété qu'elle était "très fière" de son bilan.

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