RDC: au procès Lumbala, un prêtre se souvient de l'horreur mais affaiblit l'accusation

Le souvenir des atrocités d'octobre 2002 dans le nord-est de la RDC est intact dans la mémoire de Silvano Ruaro, mais ce prêtre italien a relativisé mardi devant la cour d'assises de Paris le rôle de l'accusé, l'ex-rebelle congolais Roger Lumbala.

En citant comme témoin ce religieux de 86 ans, arrivé en 1970 dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), le parquet pensait apporter une pierre de plus à la démonstration de culpabilité de Roger Lumbala, 67 ans.

L'ancien chef du groupe pro-ougandais RCD-N, qui refuse d'assister à son procès, dénie à la justice française toute légitimité à le juger pour complicité de crimes contre l'humanité, passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

Silvano Ruaro dirigeait la mission catholique qu'il avait fondée dans la ville de Mambasa (nord-est) quand il a vu arriver au matin du 12 octobre 2002 des rebelles armés.

Cette ville moyenne de l'Ituri avait jusqu'alors été relativement épargnée par les conflits qui mettent à feu et à sang cette région riche en ressources naturelles que se disputent depuis près de trois décennies des dizaines de factions armées au prix de millions de morts et de déplacés.

Cette fois, le prêtre comprend que cette offensive rebelle, baptisée "Effacer le tableau", est différente. Ces soldats à l'équipement dépareillé, souvent torses nus, coiffés de bandanas, abattent le bétail "pour s'amuser". Puis l'un d'eux, très jeune, lui confie: "Pendant quatre jours, nous pouvons faire ce que nous voulons, piller, violer".

- Viols, mutilations, torture -

Durant les trois semaines d'occupation par ces rebelles avant qu'une faction rivale ne les chasse, Mambasa est mise à sac: viols et esclavage sexuel, exécutions sommaires, mutilations, tortures et passages à tabac, racontés par plusieurs plaignants.

Selon un rapport de l'ONU, "quelque 70 viols ont été commis lors de la prise et de l'occupation de la ville de Mambasa et des villages environnants" par le RCD-N et son allié de l'ALC, un autre groupe rebelle dirigé par l'actuel ministre des Transports de la RDC, Jean-Pierre Bemba.

Au-delà du récit des atrocités, Silvano Ruaro semble conforter la thèse de Lumbala, qui a toujours expliqué qu'il n'était qu'un responsable politique, sans responsabilité militaire. À leur arrivée, les soldats criaient: "Nous sommes les soldats de Bemba." Aucun ne se réclamait de Lumbala, dit-il.

Interrogé sur un communiqué publié à l'époque par sa congrégation et évoquant "les forces de Lumbala et Bemba", le religieux répond que "le rôle" du premier "n'était pas très important". Il était "un allié de Bemba" mais "on ne sentait pas qu'il avait un poids ni politique, ni militaire".

Dans l'interminable cohorte d'atrocités dans l'est de la RDC, "Effacer le tableau" a été "un paroxysme d'horreur", a témoigné lundi Hervé Cheuzeville, un travailleur humanitaire. Mais lui aussi décrit Lumbala en "acteur de seconde catégorie".

- "Conditionnement" -

Sur la mise en cause de Lumbala par les plaignants, Silvano Ruaro évoque l'hypothèse d'"un conditionnement dans le cadre de l'enquête".

Depuis lundi, plusieurs plaignants, habitants de Mambasa, rendent Lumbala responsable de leur supplice comme l'avaient fait la semaine dernière des pygmées de la région d'Epulu.

Alors négociant en or et en coltan, prisé par l'industrie de la tech, un homme de 76 ans raconte comment, après avoir été dépouillé de son argent et de son minerai, il a été conduit dans un hangar pour assister aux viols de sa femme et sa fille: "Ils étaient tellement nombreux que je ne pouvais les compter. L'un remplaçait l'autre."

Plusieurs femmes qui ont témoigné à huis clos ont raconté pendant l'enquête le supplice infligé par ces hommes qui se désignaient comme les "Effacés" et les "Effaceurs".

Ainsi cette femme alors âgée d'une vingtaine d'année, violée par six soldats avec sa soeur avant qu'elles ne soient emmenées comme esclaves sexuelles d'officiers. Sa soeur est morte du sida quelques années plus tard, tout comme son enfant et son époux.

ng/pab/cal/abl

AIR LEASE CORPORATION

Justice Info est sur Bluesky
Comme nous, vous étiez fan de Twitter mais vous êtes déçus par X ? Alors rejoignez-nous sur Bluesky et remettons les compteurs à zéro, de façon plus saine.