La condamnation à 30 ans de réclusion d'un ancien chef rebelle congolais, Roger Lumbala, à Paris est "historique" et "met fin à des décennies d'impunité" pour les auteurs de crimes lors des conflits incessants en RDC, ont salué lundi les ONG parties civiles.
Cinq organisations congolaises de défense des droits humains (Justice Plus et Pap-RDC) et internationales (Minority Rights Group, TRIAL International et la Fondation Clooney pour la justice), relèvent que ce verdict intervient "à un moment où la violence" se poursuit dans l'est de la République démocratique du Congo, "malgré les récents accords de Washington" entre belligérants.
Depuis trois décennies, l'est de la RDC est en proie à des conflits qui ont fait des millions de morts et de déplacés. Roger Lumbala a été condamné par la cour d'assises de Paris pour complicité dans des crimes commis en 2002-2003 par les soldats de sa faction, au détriment notamment des ethnies nande et pygmées bambuti.
"Aujourd'hui, la cour a clairement établi une chose: les architectes de violences de masse devront rendre des comptes", a mis en garde Daniele Perissi de TRIAL International. "Pendant plus de 20 ans, Lumbala a bénéficié de l'impunité pour sa tentative de campagne d'extermination contre les Bambuti. Cela prend fin aujourd'hui", a renchéri Claire Thomas, de Minority Rights Group.
La justice française a condamné Roger Lumbala en exerçant sa compétence universelle pour les crimes contre l'humanité.
"Pour la toute première fois dans l'Histoire, les crimes signalés dans le rapport Mapping des Nations unies" publié en 2010 et documentant les exactions entre 1993 et 2003, "ont fait l'objet de poursuites judiciaires", ont relevé les avocates Jeanne Sulzer, Clémence Witt et Anaïs Sarron.
"Cette décision confirme que les auteurs de haut niveau peuvent et doivent être tenus responsables d'avoir orchestré des crimes généralisés et systématiques", ont salué Henri Thulliez et Clémence Bectarte, avocats de victimes, tandis que Vincent Brengarth célèbre "une victoire d'une humanité de pots de terre contre un pot de fer".
"Cette décision dépasse le seul cadre judiciaire: c'est une archive de vérité pour le Congo et sa mémoire collective", susceptible de favoriser "les dynamiques de la justice transitionnelle aujourd'hui à l'oeuvre en RDC", a estimé Me Claire Deniau.
La directrice juridique de la Fédération Clooney pour la justice (CFJ), Yasmine Chubin a relevé "la place centrale accordée aux victimes de violences sexuelles" durant le procès qui a permis à des victimes de briser "des décennies de silence et de stigmatisation pour témoigner".
Roger Lumbala était présent au verdict après avoir boycotté les débats, déniant toute légitimité à la justice française.

