La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a douché jeudi les espoirs des proches de trois victimes de Srebrenica qui demandaient le procès de Casques bleus néerlandais pour les avoir abandonnées à leurs bourreaux serbes.
En quelques jours de juillet 1995, quelque 8.000 hommes musulmans avaient été assassinés par les forces serbes de Bosnie alors qu'ils tentaient de fuir l'enclave où étaient positionnés des soldats néerlandais de l'ONU.
Qualifiée d'acte de génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), cette tuerie, perpétrée pendant le conflit intercommunautaire en Bosnie (1992-95), est la plus meurtrière sur le sol européen depuis la Deuxième guerre mondiale.
Une de ces trois victimes, Rizo Mustafic, travaillait comme électricien pour le bataillon néerlandais. Les deux autres étaient le père et le frère d'un traducteur, Hasan Nuhanovic, qui, espérant protéger sa famille, l'avait fait venir dans la base.
Lorsque les forces serbes envahirent la "zone de sécurité", en juillet 1995, les Casques bleus l'avaient évacuée, abandonnant certains employés locaux.
Les requérants faisaient valoir devant la Cour européenne que de ce fait les officiers néerlandais "avaient exposé leurs proches à une mort probable en sachant parfaitement ce qui allait vraisemblablement leur arriver".
Ils avaient demandé une enquête pénale pour complicité de génocide ou de crimes de guerre contre le commandant du bataillon onusien Thom Karremans, son adjoint Rob Franken et l'officier du personnel Berend Oosterveen.
Mais la justice néerlandaise avait refusé au motif que "des condamnations étaient peu probables en tout état de cause", comme l'a résumé la CEDH.
"Franken et Karremans ont ordonné que des centaines, voire peut-être des milliers de personnes, soient pratiquement remises aux forces serbes", a dénoncé jeudi auprès de l'AFP Hasan Nuhanovic.
Protégé par son statut de traducteur, il avait pu rester avec les soldats de l'ONU. Négociateur pour les réfugiés, son père Ibro aurait pu l'accompagner, mais il avait choisi de rester avec son autre fils Muhamed.
Pour l'avocate néerlandaise des plaignants, Liesbeth Zegveld, les soldats se sont rendus coupables d'"une faute grave, la plus grave : livrer des personnes à l'ennemi". "Et nous ne les poursuivons pas ?", a-t-elle demandé.
La requête est définitivement "irrecevable", a tranché la CEDH, relevant que la justice néerlandaise avait fait le même constat que le TPIY : "Les militaires néerlandais ignoraient l'ampleur du massacre imminent."
Selon la CEDH, "il ne subsiste plus aucune incertitude" quant au rôle des soldats de l'ONU. Par ailleurs, il n'y a "pas d'éléments (ni même d'allégations) indiquant que les militaires néerlandais auraient joué un rôle direct dans le massacre".
En septembre 2013, la justice néerlandaise avait reconnu l'Etat responsable de la mort de ces trois hommes. Les Pays-Bas s'étaient engagés à indemniser leurs proches à hauteur de 20.000 euros chacun.