Milo Djukanovic, l'inusable homme fort du Monténégro et ami de l'Ouest

Président ou Premier ministre, sous l'ère yougoslave ou depuis l'indépendance, Milo Djukanovic, qui était depuis plus de 25 ans l'homme fort du Monténégro ne sera pas candidat à sa succession sans pour autant abandonner la politique.

Réformateur dynamique selon ses sympathisants, dirigeant autoritaire pour ses détracteurs, Djukanovic a exercé la fonction de Premier ministre à six reprises et a occupé le poste de président du Monténégro une fois.

C'est la troisième fois que cet amateur de basket, père d'un enfant, semble abandonner la politique. En 2006, après le référendum sur l'indépendance et les élections qui ont suivi, puis en 2010. Mais à chaque fois il est revenu, officiellement à l'appel de son Parti démocratique des socialistes (DPS) qu'il continuera de diriger.

Des dirigeants en fonction sous l'ère yougoslave, il était le seul jusqu'à aujourd'hui à être toujours là. Malgré les accusations, qu'il réfute, d'avoir laissé la corruption s'installer dans son pays; malgré les procès en autoritarisme; malgré aussi son soutien initial au Serbe Slobodan Milosevic, qu'il a su lâcher à temps avant de conduire à l'indépendance en 2006 sa petite république maritime de 620.000 habitants.

Le Monténégro a l'euro pour monnaie, négocie depuis 2012 son adhésion à l'Union européenne (UE), et est sur le point de devenir membre de l'OTAN, au grand dam du voisin serbe et de Moscou. Ce choix atlantiste de Milo Djuanovic nourrit une partie de l'opposition sans, jusqu'à présent, véritablement le déstabiliser malgré de violentes manifestations en 2015.

Le 16 octobre dernier, il a une nouvelle fois mené son parti à la victoire aux législatives sans toutefois s'assurer une majorité absolue.

- Le siège de Dubrovnik -

Difficile d'imaginer que Djukanovic n'a que 54 ans. Né à Niksic (centre) en 1962 d'un juge et d'une infirmière, cet économiste entre en politique en 1980.

Le Monténégro est alors une des six républiques yougoslaves. Il gravit les échelons du parti communiste et est nommé, en février 1991, Premier ministre à 29 ans.

La Yougoslavie est sur le point d'exploser après les déclarations d'indépendance de la Slovénie et de la Croatie. Milo Djukanovic se range du côté de l'homme fort de Belgrade, Slobodan Milosevic.

Des troupes monténégrines participent au siège de Dubrovnik en 1991, qui vaudra à plusieurs officiers supérieurs des poursuites devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Milo Djukanovic a depuis présenté ses excuses à la Croatie.

Mais en 1996, dans une Yougoslavie réduite à une fédération serbo-monténégrine, il procède à un revirement déterminant pour son avenir et son pays: il devient un critique virulent de Milosevic et prône l'indépendance.

Son accession à la présidence en 1998 lui permet d'accélérer l'abandon de l'idéologie communiste et d'ouvrir son pays. Petit à petit, il s'impose comme partenaire de confiance des Occidentaux.

Aux débuts de l'indépendance, il a certes encouragé les investissements russes, notamment dans l'immobilier, mais se rapproche vite de l'Occident, se joignant à l'UE dans l'imposition de sanctions à la Russie au moment de la crise ukrainienne. Au grand dam de Moscou.

- Il sait fasciner ses interlocuteurs -

"Il sait comment fasciner ses interlocuteurs", "il sait écouter et dire ce que l'on souhaite entendre tout en laissant l'impression qu'il expose ses propres convictions", confie à l'AFP un diplomate occidental sous couvert de l'anonymat.

Dans la lutte d'influence que se livrent Occidentaux et Moscou, Djukanovic a choisi son camp, réclamant récemment à l'UE "une stratégie plus cohérente face au rival russe" et "un soutien diplomatique plus visible aux dirigeants des Balkans".

Cité dans un dossier de trafic de cigarettes en Italie (la justice italienne a abandonné les poursuites en 2009), il a été accusé d'user de son influence pour aider ses proches, comme quand la banque de son frère reçoit un soutien public pendant la crise financière en 2008, ou quand son fils Blazo décroche des marchés dans le domaine de l'énergie. Des accusations qu'il rejette.

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