L'ex-chef de guerre afghan Gulbuddin Hekmatyar, combattant anti-soviétique à la réputation sulfureuse, plaide pour la paix et se tient prêt à jouer les intermédiaires avec les talibans, a-t-il expliqué à l'AFP.
"Ceux qui ont commis des crimes ou ont été accusés sur preuves par un tribunal respectable devraient s'excuser. Pas ceux à qui la guerre a été imposée, qui ont résisté aux envahisseurs, se sont défendus et ont défendu leur pays", assène le leader du Hezb-i-Islami, excluant des excuses pour les crimes de guerre dont il est accusé.
M. Hekmatyar, 67 ans, a signé le 29 septembre un accord de paix avec le président afghan Ashraf Ghani lui garantissant l'amnistie et la sécurité ainsi qu'à ses partisans - malgré les protestations de défenseurs des droits de l'Homme comme Human Rights Watch.
Cet accord ouvre la voie à son retour dans le jeu politique après plusieurs décennies d'exil, en Iran puis au Pakistan. L'ancien Premier ministre n'est pas encore réapparu à Kaboul et se trouve toujours dans un lieu tenu secret - en Afghanistan affirme son entourage.
"Mon retour à Kaboul aura lieu quand le gouvernement en aura préparé les conditions. Je ne pose pas de préalables, mais nous avons certaines inquiétudes concernant la sécurité dans Kaboul", explique-t-il dans cet entretien, dont les questions lui ont été transmises par son fils, Habiburrahman Hekmatyar, et les réponses par son représentant et négociateur, Mohammad Amin Karim.
La paix et la stabilité sont loin d'être rétablies en Afghanistan ni dans la capitale, cible de fréquentes attaques des talibans et du groupe Etat islamique. Et même depuis l'accord, confie Amin Karim, des incidents ont éclaté localement entre les troupes régulières et les combattants du Hezb.
Selon lui, les arrangements nécessaires au retour de Hekmatyar n'ont pas encore été arrêtés. "De plus les sanctions n'ont pas été levées" rappelle-t-il. Or "le gouvernement s'est engagé à obtenir (leur) levée par tous les moyens. Faute de quoi l'accord restera une coquille vide".
- Liste noire -
Gulbuddin Hekmatyar figure toujours sur la liste noire du Conseil de sécurité de l'ONU et du Trésor américain, pour financement d'activités terroristes. Ni l'un ni l'autre n'ont évoqué leur levée, bien qu'ils aient salué l'accord entre les combattants du Hezb et le gouvernement.
Lundi, le président afghan Ashraf Ghani a rencontré le Comité des sanctions de l'ONU en visite à Kaboul et son conseiller pour la sécurité a aussitôt tweeté que le gouvernement entamait les démarches en vue "de rayer les dirigeants du Hezb de la liste noire".
Lors de la cérémonie de signature de l'accord, Hekmatyar avait lancé dans un message vidéo-diffusé un appel "à tous les éléments anti-gouvernementaux", invitant les talibans à rejoindre le processus et "à poursuivre (leurs) objectifs de façon pacifique".
"Aujourd'hui la majorité du pays veut la paix, dans toutes les provinces des rassemblements populaires s'organisent en faveur de la paix, beaucoup de femmes y participent" confirme-t-il à l'AFP.
C'est le rôle que le Hezb-i-Islami souhaite endosser désormais, celui de faiseur de paix: "Nous pouvons agir comme une courroie de transmission entre les talibans et le gouvernement", insiste Amin Karim, alors que les discussions encalminées depuis l'été 2015 ont repris en septembre à Doha entre représentants des insurgés et du pouvoir afghan.
"Je suis en contact avec des dizaines de commandants talibans sur le terrain qui se disent prêts à négocier avec le Hezb-i-Islami pour rejoindre le processus de paix" affirme-t-il.
- Ramener la paix -
"Cet accord a changé la dynamique" veut-il croire. "Nous avons un plan de paix prêt dans le détail. Si le gouvernement et ses partenaires étrangers y sont prêts, d'ici six mois nous pouvons ramener la paix dans dix à quinze des provinces en proie aux combats".
Un observateur occidental à Kaboul se montre plus nuancé: "Le gouvernement afghan espère que l'accord avec le Hezb ouvrira la voie à des négociations avec les talibans (...) Mais c'est quand même difficile de le voir comme un faiseur de paix influent".
M. Hekmatyar, qui s'en défend, a été accusé d'avoir aveuglément bombardé Kaboul lors de la guerre civile qui l'a opposé aux autres groupes moudjahidines, au début des années 1990.
Pour les associations qui se pressent dans un grand hôtel de Kaboul pour rencontrer Amin Karim, l'urgence est de cesser les combats qui feront encore cette année plus de 10.000 victimes civiles, selon l'ONU.
"Si ce processus-là échoue, quel espoir de paix restera-t-il avec les talibans?" interroge Shukria Jalazay, directrice de la Coordination des femmes afghanes pour la paix, pour qui "c'est un bon début".
Ce qui n'empêche pas la seule femme de la délégation du Hezb aux négociations, Habiba Sarobi, d'appeler "le Hezb-i-Islami à s'excuser (pour ses crimes de guerre). Ca montrerait leur courage".