Gambie: Yahya Jammeh, imprévisible dirigeant, futur ex-président

Il s'était déclaré sûr d'être réélu avec son meilleur score à ce jour et était soupçonné de vouloir s'accrocher au pouvoir en Gambie: Yahya Jammeh, qui a reconnu publiquement vendredi soir sa défaite à la présidentielle, n'aura cessé de déconcerter, pendant ses 22 ans de pouvoir.

"Vous, Gambiens, avez décidé que je devais être en retrait, vous avez voté pour quelqu'un pour diriger le pays, (...) je vous souhaite le meilleur", a affirmé tard vendredi soir Jammeh dans une déclaration télévisée.

Il a aussi félicité son tombeur, Adama Barrow, un homme d'affaires encore inconnu sur la scène politique il y a six mois.

Selon les chiffres proclamés vendredi après-midi par la commission électorale, Jammeh a obtenu 36,6% des voix, derrière Barrow, déclaré vainqueur avec 45,5% des suffrages. Le troisième et dernier candidat en lice, Mama Kandeh, ex-député du parti de Jammeh, a drainé 17,8% des voix.

D'après la constitution gambienne, M. Jammeh a 60 jours pour quitter le pouvoir.

La résignation de Yahya Jammeh à perdre le pouvoir apparaît comme un coup de théâtre tant il a gouverné sans partage, mais elle n'est que la dernière d'une longue série de décisions déroutantes pour ce Diola -ethnie commune à la Gambie et au Sénégal- issu d'une famille paysanne du village de Kanilai (ouest).

Porté à la tête de l'Etat par un putsch sans effusion de sang en 1994, dans cette ex-colonie britannique enclavée dans le Sénégal à l'exception de sa façade Atlantique, il avait été élu une première fois en 1996, pour cinq ans, puis réélu trois fois. Jeudi, il a échoué à obtenir un cinquième mandat.

Il s'était déclaré sûr de sa réélection, prévenant qu'il ne tolérerait aucune contestation électorale par des manifestations de rues.

Vendredi, de nombreux Gambiens ont salué sa défaite à travers Banjul, par grappes, en voitures, sur des motos ou à pieds. Des jeunes ont été vus déchirant ou piétinant des banderoles et affiches à l'effigie de Jammeh. Illustration d'un changement d'ère.

Car Yahya Jammeh a longtemps pu compter sur la peur pour garder la majorité des Gambiens dans le rang: peur des pouvoirs mystiques dont il se dit doté, peur de la répression -parfois sanglante- de toute contestation, peur de sa mainmise sur les forces armées dont il est issu...

- 'Babili Mansa' -

Lieutenant de 29 ans lors de sa prise du pouvoir, cet amateur de lutte au physique imposant, marié et père de deux enfants, a troqué l'uniforme contre de luxueux boubous.

Outre ce changement vestimentaire, il a ajouté à son nom de naissance une série de titres honorifiques. Il se fait appeler "Son Excellence Cheikh Professeur El Hadj Docteur", ainsi que, depuis quelques années, "Babili Mansa", ayant le double sens de "bâtisseur de ponts" et "roi défiant les fleuves" en mandingue, une des langues parlées en Afrique de l'Ouest.

Après des études secondaires à Banjul, il s'engage en 1984 dans la gendarmerie. Jusqu'en 1992, il commande la police militaire à deux reprises.

En 1996, il prend sa retraite de l'armée avec le grade de colonel, crée son parti et se présente à sa première présidentielle, qu'il remporte.

Vantant ses prétendus pouvoirs mystiques, il dit pouvoir traiter l'asthme, l'épilepsie, et "guérir" la stérilité et le sida avec des plantes et des incantations mystiques donnant lieu à des séances collectives filmées et diffusées par les médias publics.

Il cultive aussi l'image d'un musulman pieux, apparaissant régulièrement Coran et chapelet en main.

En décembre 2015, à la surprise générale, il proclame la Gambie république islamique, sans conséquence immédiate sur la vie quotidienne des quelque 2 millions d'habitants, dont environ 90% sont musulmans et près de 8% chrétiens.

Yahya Jammeh s'illustre aussi régulièrement par des déclarations fracassantes, notamment contre l'homosexualité, les puissances occidentales ou la Cour pénale internationale (CPI), dont il a retiré la Gambie en octobre, bien que la procureure soit son ancienne ministre de la Justice.

Il lui arrive fréquemment de menacer de mort tous ceux qu'il considère comme des fauteurs de troubles, pour adopter en d'autres circonstances un ton parfaitement posé.

Son régime est accusé par des organisations non gouvernementales et certaines chancelleries de violations systématiques des droits de l'Homme, critiques qu'il balaye systématiquement.

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