Destruction de la mosquée Al-Nouri à Mossoul: une "tragédie" dit la directrice de l'Unesco

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La destruction du minaret penché emblématique de la vieille ville irakienne de Mossoul et celle de la mosquée Al-Nouri adjacente constituent "une tragédie", a déclaré à l'AFP la directrice générale de l'Unesco Irina Bokova, pour qui la priorité est de sécuriser le site pour prévenir tout pillage.

Question: Quelle a été votre réaction à l'annonce de cette destruction, attribuée au groupe jihadiste Etat islamique ?

Réponse: Pour nous, c'est une tragédie, c'est un crime de guerre. La mosquée Al-Nouri et le minaret Al-Hadba étaient emblématiques de la vieille ville de Mossoul.

A la veille de l'occupation (en juin 2014) de la zone par Daech (acronyme arabe de l'EI, ndlr), nous avions beaucoup travaillé sur la consolidation de ce fameux minaret penché, qui avait conservé sa structure pendant neuf siècles.

Nous avions réalisé en 2012 une étude complète du minaret qui pourra éventuellement servir pour nos actions concrètes. Tout ce que nous savons aujourd'hui, c'est que tout est complètement détruit.

La communauté locale a fait preuve plusieurs fois de courage pour protéger ce site. On se souvient de cette chaîne humaine il y a quelques mois autour du minaret. Malheureusement cela n'a pas été possible cette fois.

Il faut désormais voir quelles actions nous pourrions prendre, en fonction de la situation sécuritaire à Mossoul et en coordination avec le gouvernement. Le plus important dans l'immédiat est de sécuriser le site. Notre premier souci c'est de prévenir le pillage.

Q: Quelles mesures pouvez-vous mettre en place pour protéger ces sites culturels en danger ?

Il y a des mesures d'urgence qui doivent être prises. Il faut bâtir des barrières autour de ces sites parce que le pillage reste une menace.

Il faut aussi s'assurer que les débris ne soient pas jetés parce qu'ils jouent un rôle important dans la préservation ou la reconstruction, au cas où on arrive à reconstruire.

Au Népal, après le séisme de Katmandou en 2015, on a mené un travail minutieux pour trouver les débris, préserver les matériaux d'origine. C'est le même défi que nous avons maintenant en Irak, en Syrie, autour de ces sites culturels.

Nous voulons mobiliser toute l'expertise internationale et locale pour voir comment préserver l'authenticité et en même temps avoir un débat sur le futur de ces sites. C'est le but des conférences que nous avons organisées, l'an passé à Berlin sur la protection du patrimoine syrien et cette année à Paris sur l'Irak.

Nous avons adopté un plan d'action pour protéger, consolider, préserver le patrimoine culturel dans les zones libérées.

Pour la première fois le conseil de sécurité a pris une résolution sur la protection du patrimoine culturel dans les zones de conflit visant la Syrie et l'Irak. Cela nous donne la responsabilité de travailler.

Q: Comment financer cet énorme travail de sauvegarde du patrimoine ?

R: Il y a plusieurs pistes. A l'Unesco, nous avons déjà lancé notre propre fonds sur la protection du patrimoine en péril.

Je dois saluer aussi l'initiative de la France et des Emirats arabes unis, qui ont organisé une conférence majeure à Abu Dhabi début décembre, sous les auspices de l'Unesco. Elle a abouti au lancement début mars au Louvre d'une Alliance internationale pour la protection du patrimoine culturel dans les zones de conflit, l'ALIPH. Et il y a les promesses de 75 millions de dollars dans ce fonds.

Pour la première fois, les ministres de la Culture du G7 se sont réunis fin mars en Italie et j'ai été invitée à parler de ces enjeux.

Il y a une forte mobilisation mondiale pas seulement pour protéger, conserver mais aussi reconnaître le lien entre la culture, le patrimoine et les questions humanitaires et sécuritaires. Tout ce que nous avons vu, ce nettoyage culturel de Daech en Syrie en Irak, a réveillé les esprits.

mw/dab/pjl

(Propos recueillis par Marie WOLFROM)