L'hommage des Croates de Mostar au "héros" Praljak

En Bosnie, la ville de Mostar semblait plus divisée que jamais mercredi: côté croate, des centaines de personnes ont rendu hommage à Slobodan Praljak, tandis que les rues bosniaques se sont vite vidées.

La nuit tombée, à l'ouest, les Croates sont venus se recueillir en allumant des bougies sur une place, en hommage à celui qui à leurs yeux reste le "général Praljak". En aucun cas un criminel de guerre, "participant clé d'une entreprise criminelle commune" visant à mener une épuration ethnique des Bosniaques musulmans en 1993 et 1994, comme l'a confirmé la justice internationale.

Dès l'après-midi, les drapeaux à damier croate, avaient été mis en berne dans les quartiers croates de cette ville du sud de la Bosnie, sous le regard de policiers amenés en renfort.

Après avoir entendu qu'il restait condamné à vingt ans de prison, Praljak s'est donné la mort mercredi devant le tribunal pénal international à La Haye, en buvant un poison. Son destin est intimement lié à celui de la ville de Mostar, divisée entre Croates, dans les quartiers ouest, et Bosniaques qui vivent à l'est.

Le nom de Praljak reste attaché à la destruction par les forces croates en novembre 1993 du "Stari Most", ce pont ottoman à arche unique qui enjambe la Neretva. "C'était juste un vieux pont", avait dit en 2004, année de son arrestation, cet homme né sur une autre ville bordant cette rivière, plus au sud, Capljina.

"Je me souviens d'une phrase qu'il avait prononcée au début du procès pour dire que le Stari Most ne valait pas un seul doigt d'un de ses hommes", déclare Zvonimir Sunjic, 56 ans, venu rendre hommage à un homme qu'il dit avoir "rencontré plusieurs fois ici à Mostar pendant la guerre".

- 'Sacrifice' -

Membre croate de la présidence tripartite bosnienne, Dragan Covic, est un enfant de Mostar. Il est venu allumer sa bougie sur la place, où avait été tendu un portrait de Praljak: "Ton sacrifice ne sera jamais oublié", pouvait-on lire. Sur la place, un prêtre a dit une prière en sa mémoire.

"Il est un héros et son geste entrera dans l'histoire. Son message est profond", "il n'était tout simplement pas un criminel de guerre, il défendait son peuple et son foyer", dit Nada Peric, 62 ans.

"C'est un verdict politique, pas un verdict de justice", dit Ilija Cvitanovic, président d'une formation croate bosnienne de centre droit, HDZ 1990. Il n'accepte pas que la justice internationale ait condamné une "entreprise criminelle commune", avec l'implication des plus hautes autorités croates de l'époque, notamment du président Franjo Tudjman. "Nous n'acceptons pas ce verdict, les relations inter-ethniques se compliqueront", prévient-il.

Dans les quartiers est de la ville, les rues ont été très vite désertées mercredi soir. "C'est triste, il n'aurait pas dû faire ça. Il aurait dû purger sa peine pour tout ce qu'il a fait", commentait dans la journée un ancien combattant bosniaque Almir Zalihic, 53 ans.

En milieu de soirée, aucun incident n'avait été signalé.

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