Génocide: le procès en appel de Karadzic s'ouvre à La Haye

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Le procès en appel contre l'ex-dirigeant des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, condamné en 2016 à 40 ans de prison pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité, s'ouvre lundi devant la justice internationale à La Haye.

Après la mort, dans sa cellule de prison, de l'ancien président serbe Slobodan Milosevic, l'ex-psychiatre est désormais le plus haut responsable à être jugé pour des crimes commis pendant les guerres sanglantes de Bosnie.

Reconnaissable à sa mèche indomptable, Radovan Karadzic était le président de l'entité des Serbes de Bosnie, la Republika Srpska, lors du conflit dans les Balkans, qui a fait plus de 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés entre 1992 et 1995.

Aujourd'hui âgé de 72 ans, il se trouve depuis 2009 derrière les barreaux du quartier pénitentiaire des Nations Unies dans les dunes de La Haye, où il cohabite notamment avec son alter ego militaire: le "Boucher des Balkans", Ratko Mladic, condamné à la perpétuité en novembre.

L'audience en appel, demandée tant par la défense que par l'accusation, se déroulera sur deux jours devant le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), qui a pris le relais du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

- Cinq ans de procès -

Un temps fugitif le plus recherché du continent européen, Radovan Karadzic a échappé à la justice internationale pendant près de 13 ans, se cachant sous les traits d'un spécialiste de médecine alternative, arborant une barbe blanche nourrie.

Il est arrêté en 2008. Son procès s'ouvre en 2009 et se termine cinq ans plus tard, après 497 jours d'audience et l'audition de 586 témoins.

L'accusation avait requis la prison à vie à l'encontre de celui qui reste pour beaucoup de Serbes un "héros".

En mars 2016, les juges du TPIY l'ont reconnu coupable de génocide pour le meurtre de près de 8.000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica en juillet 1995, le pire massacre commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

M. Karadzic a également été condamné pour des persécutions, meurtres, viols, traitements inhumains ou transferts forcés, notamment lors du siège de Sarajevo, qui dura 44 mois et tua 10.000 personnes, et pour des camps de détention aux "conditions de vie inhumaines".

Son but, selon les juges, était de diviser la Bosnie. En s'emparant de plusieurs municipalités, ses troupes avaient "sélectionné leurs victimes sur la base de leur identité de musulman ou de Croate", ont-ils affirmé.

Après lecture du verdict, qu'il avait qualifié de "monstrueux", Radovan Karadzic était sorti de ses gonds, estimant que les juges "l'ont présumé coupable" alors qu'il est "complètement innocent".

L'ancien dirigeant serbe avait d'ailleurs fait sa valise avant le jugement en première instance, tant il était persuadé de pouvoir retrouver sa terre natale en homme libre avant la tombée de la nuit.

- L'ombre de la prison à vie -

Mais ses plans ont été contrecarrés par le juge O-Gon Kwon, voyant en l'accusé le "fer de lance des structures militaires, politiques et gouvernementales" des Serbes de Bosnie.

Les juges ont néanmoins décidé qu'ils manquaient de preuves pour affirmer, hors de tout doute raisonnable, qu'un génocide avait été commis dans sept autres municipalités de Bosnie. M. Karadzic a donc été acquitté du premier des deux chefs d'accusation pour génocide.

Après avoir demandé une condamnation à vie, le procureur du TPIY Serge Brammertz a fait appel, estimant la peine de 40 années de détention insuffisante.

Selon les juges, le massacre de Srebrenica s'inscrivait dans le cadre d'un "nettoyage ethnique" planifié par un trio à l'issue du démantèlement de la Yougoslavie: Radovan Karadzic, le général Ratko Mladic et Slobodan Milosevic.

Le dernier étant décédé, la justice internationale poursuit son avancée dans l'histoire pour tourner une douloureuse page émaillée de crimes en ex-Yougoslavie.

A Banja Luka, la population serbe attend le retour de son "héros".

Le tribunal de La Haye est "injuste" dans la "perception de beaucoup de gens ici" et "n'a pas réussi à s'imposer comme un lieu de justice, susceptible de conduire à la réconciliation", a déclaré à l'AFP Milorad Dodik, chef politique des Serbes de Bosnie et président de la Republika Srpska.