07.06.08 - GB/RWANDA - LA JUSTICE BRITANNIQUE AUTORISE L'EXTRADITION DE QUATRE RWANDAIS VERS LE RWAN

Arusha, 7 juin 2008 (FH) - Un juge britannique a fait droit à la demande d’extradition formulée par le Rwanda à l’encontre de quatre hommes, accusés par Kigali de génocide, conspiration à commettre le génocide, complicité dans le génocide, crimes contre l’humanité, meurtres et pillage commis en 1994. Vincent Banjinya, qui serait un ancien chef de milice, Célestin Ugirashebuja, ex-maire de Kigoma, Emmanuel Nteziryayo et Charles Munyaneza, respectivement anciens maires de Mudasomwa et de Kinyamakara, avaient été arrêtés fin décembre 2006 en Grande-Bretagne à la demande du Rwanda.

2 min 32Temps de lecture approximatif

L'audience avait débuté en septembre 2007.

En l’absence d’accord d’extradition entre les deux états, un mémorandum temporaire avait été établi en septembre 2006. La décision rendue le 6 juin doit encore être avalisée par le Secrétaire d’état, à la suite de quoi les accusés disposeront de 14 jours pour faire appel devant la Haute Cour.

La décision du juge britannique prend le contre-pied de celle rendue par les magistrats du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) le 28 mai, dans laquelle ils refusaient de transférer le dossier de Yussuf Munyakazi à Kigali, au motif que le système judiciaire rwandais ne permet pas, à ce jour, la tenue d’un procès équitable, en raison notamment des pressions exercées par l’exécutif sur les juges.

Pour le juge Anthony Evans, « les violations des droits de l’homme dans le pays, acceptées par toutes les parties, n’a pas d’incidence directe sur la question du procès équitable » parce que des garanties ont été mises en place. Sur plusieurs points - protection des témoins, détention, etc. – le juge s’appuie sur la loi organique de 2007 (établie pour permettre l’accueil de dossiers du TPIR), et estime que le fait que « la loi n’a pas encore été testée » ne constitue pas « un argument pour ne pas extrader ».

Pour le magistrat, « il est bon que le gouvernement rwandais veuille poursuivre les auteurs présumés du génocide dans leur propre pays. » Il fait un pied de nez au projet de transférer des affaires devant d’autres Etats, en estimant que « la poursuite de ceux qui sont impliqués ne pourrait être traitée de façon plus appropriée devant des juridictions autres », à l’exception du TPIR, « établi dans cet objectif ». La France s’est déjà emparée de deux dossiers à la demande du TPIR, dans le cadre de la stratégie visant à permettre la fermeture de la juridiction d’Arusha à l’horizon 2010, tel qu’imposé par les Nations unies.

Anthony Evans ne donne aucun crédit aux rapports des ONG, auxquels il préfère le rapport du département d’état américain de 2007, sur lequel il s’appuie à plusieurs reprises. Le rapport de Human Rights Watch, « lequel j’en suis certain, reflète les vues d’autres ONG travaillant au Rwanda, écrit-il, ne donne que des preuves anecdotiques ». Il précise que ces organisations continuent de travailler au Rwanda et à produire des rapports critiques.

Pour le magistrat, « il n’existe pas de preuves réellement objectives » selon lesquelles l’influence de l’exécutif « affecte la magistrature ». Il estime que les critiques officielles de Kigali envers le TPIR ne sont pas exceptionnelles, mais reflètent ce que font « les politiciens universellement ». Quant aux critiques formulées contre le juge espagnol, « ce n’est pas en soit une preuve suffisante », estime-t-il, contrairement aux juges du TPIR.

Dans son document de 129 pages, le juge estime que certains des témoins, cités dans cette affaire, n’ont pas besoin de protection. Par ailleurs, Anthony Evans, juge que l’audition de Paul Rusesabagina n’apporte pas de « poids » car il semble n’être « qu’un opposant implacable au régime ». Et que celle de Jean-Damascène Ntagwanza, membre de la Ligue pour la protection des droits de l’homme au Rwanda (Liprodhor), aujourd’hui réfugié en Europe, n’est « pas crédible ».

SM/PB/GF