06.04.2004 - TPIR/MILITAIRES I - LES INTERAHAMWE SE RAVITAILLAIENT AU CAMP KANOMBE, SELON UN TEMOIN

Arusha, le 6 avril 2004 (FH) – Un témoin du parquet entendu par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a affirmé mardi que les Interahamwe s’approvisionnaient en armes et en munitions au camp Kanombe (Kigali) avant et durant le génocide de 1994. Ancien membre du bataillon para-commando, le 51è témoin à charge désigné par les lettres « XAB » dépose dans le procès de quatre hauts gradés des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR), dit Militaires I.

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Le témoin a accusé l’ancien commandant du bataillon para-commando de Kanombe, le major Aloys Ntabakuze, un des accusés dans ce procès, d’avoir supervisé l’approvisionnement des miliciens depuis 1992 jusqu'au génocide de 1994.

Le génocide rwandais a été déclenché par l’attentat contre le président Juvénal Habyarimana dans la nuit du 6 avril.

Les Interahamwe seraient venus à Kanombe le 7 et le 8 avril 1994 pour se ravitailler en armes en et en munitions. « Ils sont venus avec le major Ntabakuze. C’est lui qui les faisait entrer et les amenait au stock des munitions », a déclaré XAB, expliquant qu’il y était posté pendant ces deux jours.

Le 7 avril au matin, Ntabakuze aurait appelé ses hommes à « venger le père de la nation qui avait bien dirigé le pays ». « Il a dit que les militaires connaissaient l’ennemi : le Tutsi et tous ses complices », a relaté XAB, corroborant les propos de plusieurs témoins à charge ayant déposé avant lui.

Le témoin a indiqué qu’il s’était retiré avec son épouse à Gitarama (centre du Rwanda) le 9 avril, ne retournant à Kanombe que le 12. A son retour, « un collègue » lui aurait dit que des massacres et des viols avaient été commis en plusieurs endroits de Kigali où étaient positionnés des militaires.

« Le commandant du bataillon, [Ntabakuze], visitait toutes ces positions une ou deux fois par jour », a-t-il allégué.

D’après XAB, les miliciens avaient subi des entraînements depuis les années 90, dans la région du Mutara (nord-est du Rwanda). « Certains des formateurs étaient des gardes du corps de Ntabakuze ».

La guerre civile a éclaté au Rwanda le 1er octobre 1990, opposant les FAR à l’ex-rébellion à dominante Tutsie du Front Patriotique Rwandais (FPR), actuellement au pouvoir.

Tout comme le témoin précédent, XAB a également mis en cause l’ancien directeur de cabinet au ministère de la défense, le colonel Théoneste Bagosora. Ce dernier serait arrivé au camp Kanombe dans la matinée du 7 avril, au moment où Ntabakuze venait de s’adresser à son unité.

Bagosora et Ntabakuze sont co-accusés avec l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, et l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva.

Considérés comme les principaux architectes du génocide rwandais qui a fait près d’un million de victimes entre avril et juillet 1994, tous les accusés plaident non coupable.

Dans l’après-midi, XAB était contre-interrogé par les avocats de Ntabakuze et de Bagosora. Ils ont tous rejeté l’ensemble des allégations soulevées par le témoin.

Le conseil de Ntabakuze, le Professeur américain Peter Erlinder, a notamment soutenu que XAB « n’a pas été témoin oculaire » du ravitaillement allégué des miliciens.

En l’absence du juge président, le Norvégien Erik Mose, les débats étaient dirigés mardi par le juge fidjien Jai Ram Reddy, en vertu de l’article 15 bis du règlement de procédure.

Le juge Mose s’est rendu à Kigali pour participer à la commémoration du 10è anniversaire du génocide. Le greffier du TPIR, le Sénégalais Adama Dieng et le procureur en chef, le Gambien Boubacar Hassan Jallow devraient également y prendre part.

Ce procès dit « Militaires I » se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR, qui comprend par ailleurs le juge russe Serguei
Egorov.

Le contre-interrogatoire de XAB devrait s’achever mercredi dans la matinée.

GA/CE/GF/FH (ML’’0406A)