Près d'une centaine de Rohingyas ont comparu mercredi devant un tribunal birman pour avoir tenté de fuir les persécutions, explique leur avocat, au moment même où la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi niait devant la CIJ à La Haye toute "intention génocidaire" à l'encontre de cette minorité musulmane.
L'un après l'autre, les prévenus, la mine sombre, au nombre de 95, sont arrivés au tribunal de Pathein, une localité à l'ouest de la Birmanie. Ils sont accusés d'avoir quitté leurs bidonvilles sans autorisation et risquent deux années de prison pour avoir enfreint les lois sur l'immigration.
La prochaine audience a été fixée au 20 décembre.
Ils constituent le troisième groupe de personnes à être arrêtées et jugées ces derniers mois pour avoir tenté de quitter l'Etat Rakhine.
Les Rohingyas dans cet Etat de l'ouest de la Birmanie sont étroitement contrôlés, ne bénéficiant que d'accès limités aux services de santé, à l'éducation et au logement et vivant dans des conditions qualifiées d'"apartheid" par Amnesty International.
Ils ont cherché pendant des années à fuir cette vie par bateaux, trains ou bus dans des conditions risquées.
Les 95 prévenus, dont 25 enfants, ont versé pour chacun plusieurs centaines de dollars pour tenter leur chance, a déclaré leur avocat à l'AFP, Thazin Myat Myat Win.
Ils avaient été arrêtés le 29 novembre après avoir quitté l'Etat Rakhine à bord d'un navire vers une plage du sud du pays où les attendaient des bus devant les conduire vers Rangoon.
Quelque 600.000 Rohingyas restent confinés dans des camps et des villages en Birmanie, ne pouvant en partir qu'avec autorisation. Beaucoup ont cherché au fil des années à gagner la Thaïlande ou la Malaisie.
740.000 Rohingyas s'étaient déjà réfugiés en 2017 au Bangladesh, fuyant la répression militaire dans l'Etat Rakhine à la suite de troubles.
Au même moment, à La Haye, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix et ancienne icône de la démocratie, a réfuté mercredi devant la Cour internationale de justice (CIJ) toute "intention génocidaire" contre les Rohingyas, concédant toutefois que l'armée birmane avait peut-être fait usage d'une "force disproportionnée" lors des exactions contre la minorité musulmane.
La cheffe de facto du gouvernement birman est apparue ferme et déterminée à la tête de la délégation birmane devant la Cour, où elle défend personnellement l'intérêt de son pays, à majorité bouddhiste, mis en cause par la Gambie, mandatée par le spays du monde musulman, pour les massacres et persécutions contre les Rohingyas.