Dictature argentine: Mario Sandoval arrêté près de Paris après le feu vert à son extradition

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L'ex-policier franco-argentin Mario Sandoval, réclamé par Buenos Aires pour son implication présumée dans la disparition d'un étudiant en 1976 pendant la dictature, a été arrêté mercredi près de Paris après que le Conseil d'Etat a validé son extradition vers l'Argentine.

Exilé en France depuis 1985 après la chute de la junte au pouvoir, Mario Sandoval a été arrêté à son domicile de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), par les gendarmes de l'Office central français de lutte contre les crimes contre l'humanité et le GIGN.

Plus tôt dans la journée, le Conseil d'Etat avait validé le décret d'extradition pris par Paris le 21 août 2018, après un long bras de fer judiciaire.

"Désormais, l'extradition de Mario Sandoval vers l'Argentine est définitive et interviendra dans un délai maximum de sept jours", a indiqué la gendarmerie nationale dans le communiqué annonçant l'arrestation.

L'ancien fonctionnaire de 66 ans, qui craint "d'être privé en Argentine d'un procès équitable", a immédiatement saisi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour "violation par la France de ses engagements européens", a annoncé son avocat Jérôme Rousseau.

L'ex-policier a demandé à la CEDH "d'ordonner au gouvernement français de ne pas mettre à exécution le décret d'extradition avant qu'elle ait pu statuer sur le recours", a précisé Me Rousseau dans un communiqué.

"La seule cour qui reste, c'est la cour européenne -- en France, tous les recours ont été épuisés -- mais ce n'est pas un recours qui a une valeur légale suspensive", a rétorqué l'une des avocates de l'Etat argentin, Me Sophie Thonon-Wesfreid.

Une extradition ne privera pas Mario Sandoval de ses droits à un procès équitable, au respect de la présomption d'innocence et à la sécurité juridique, avait jugé le Conseil d'Etat, soulignant que l'ex-policier pourra "soumettre au juge pénal argentin les éléments qu'il estimera utiles" pour prouver son innocence.

Pour la soeur de l'étudiant disparu, Laura Abriata, "il ne manque pas grand-chose pour qu'il arrive en Argentine et soit jugé avec toutes les garanties constitutionnelles que n'ont pas eues tous les disparus argentins".

- Disparu -

La justice argentine, qui réclame Mario Sandoval depuis près de huit ans, le soupçonne d'avoir participé à plus de 500 faits de meurtres, tortures et séquestrations pendant la dictature militaire qui a duré de 1976 à 1983.

Mais elle ne s'appuie que sur le dossier Abriata pour demander une extradition, car elle dispose d'une dizaine de dépositions dans cette affaire.

Etudiant en architecture, Hernan Abriata fut détenu à l'École de mécanique de la marine (ESMA), un centre de torture de la dictature argentine (1976-1983) par lequel sont passées quelque 5.000 personnes qui ont ensuite disparu, souvent jetées depuis des avions dans le Rio de la Plata.

Mario Sandoval, qui nie les faits et estime qu'ils sont prescrits, avait saisi le Conseil d'Etat pour empêcher l'exécution du décret gouvernemental.

Le code de procédure pénale interdit une extradition lorsque le crime est prescrit en droit français.

Mais selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, validée le 24 mai par le Conseil constitutionnel, la prescription pour un crime de séquestration, réputé "continu", ne court qu'à partir du moment où le corps de la victime est retrouvé ou que le mis en cause a avoué.

Or l'étudiant disparu en 1976 n'étant pas réapparu depuis cette date, l'infraction de séquestration n'avait pas pris fin à la date de la demande d'extradition, selon les autorités françaises.

Dans sa décision, le Conseil d'Etat a relevé que des actes d'état-civil argentins présentés par la défense de Mario Sandoval se bornaient "à présumer le décès de M. Abriata" ou "à établir son absence pour disparition forcée".

"Dès lors, de tels actes ne permettent pas de considérer que la séquestration de M. Abriata aurait effectivement pris fin le 31 octobre 1976", est-il souligné.

Mario Sandoval a obtenu la nationalité française en 1997, ce qui n'empêche pas son extradition car il n'était pas français à l'époque des faits.

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