Génocide au Rwanda: la justice internationale consolide le dossier Kabuga

Serge Brammertz, procureur de la juridiction internationale appelée à juger l'homme d'affaires rwandais Félicien Kabuga, arrêté en France pour son rôle supposé dans le génocide rwandais de 1994, a indiqué jeudi à l'AFP travailler activement à consolider le dossier d'accusation avec une équipe renforcée au Rwanda.

Accusé d'être le "financier" du génocide, qui a fait selon l'ONU environ 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi mais aussi chez les Hutu modérés, M. Kabuga a été arrêté en mai près de Paris, après 25 ans de cavale.

"Nous travaillons d'arrache-pied pour actualiser le dossier en vue d'obtenir une condamnation au terme du procès", a déclaré M. Brammertz, en visite au Rwanda depuis une dizaine de jours.

Il a souligné avoir renforcé son équipe sur place en y transférant cinq de ses collaborateurs et en engageant autant de "nouveaux procureurs et enquêteurs" pour mettre à jour ce dossier.

Le magistrat belge est le procureur du Mécanisme de l'ONU pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), une structure chargée notamment d'assurer les fonctions résiduelles du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), fermé depuis décembre 2015.

Il a précisé avoir rencontré les autorités judiciaires rwandaises pour "avoir accès à leur banque de données".

M. Brammertz, dont c'est la première visite au Rwanda depuis l'arrestation de M. Kabuga, a expliqué que "tous les éléments de preuve qui ont été utilisés pour avoir le mandat d'arrêt confirmé et l'acte d'accusation confirmé (le 26 novembre 1997) datent de très longtemps" et qu'il "faut donc retourner vers les témoins de l'époque, voir qui est encore disponible".

"Evidemment, on en profite pour chercher de nouveaux éléments de preuve. On n'a actuellement abandonné aucun élément de l'acte d'accusation", a-t-il ajouté, sans toutefois exclure la possibilité d'un amendement de l'acte d'accusation une fois les recherches finalisées.

Tout en indiquant comprendre le souhait des victimes rwandaises de voir M. Kabuga jugé au Rwanda, il a rappelé qu'en l'état le MTPI était la seule juridiction compétente.

"Aujourd'hui, il n'y a qu'une option, c'est le Mécanisme qui est compétent. Ce n'est ni la France ni le Rwanda, à moins que le Conseil de sécurité (de l'ONU) n'en décide autrement", a-t-il affirmé.

Le 3 juin, la cour d'appel de Paris donné son feu vert à la remise de M. Kabuga au MTPI. L'accusé a saisi la Cour de cassation, qui doit trancher le 30 septembre.

"Nous espérons évidemment une confirmation (par la Cour de cassation en France) de la décision de la cour d'appel de Paris. Nous sommes confiants", a déclaré M. Brammertz joint à Kigali.

Le procureur a par ailleurs rencontré à Kigali "des membres de la communauté diplomatique au sujet des fugitifs restants".

"Nous voulons profiter du +momentum+ (la dynamique) pour accélérer la recherche de ces fugitifs. Nous continuons à travailler intensivement avec les pays comme l'Afrique du Sud, le Zimbabwe, la République démocratique du Congo et d'autres, avec comme priorité la recherche du major Protais Mpiranya", a-t-il dit.

Ce dernier commandait la garde du président Juvénal Habyarimana, dont l'assassinat le 6 avril 1994 est considéré comme l'élément déclencheur du génocide.

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