Arrestation du héros d'Hotel Rwanda: une "disparition forcée" pour HRW

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Le héros du film "Hôtel Rwanda", arrêté au Rwanda dans des circonstances troubles, a été victime d'une "disparition forcée" dont les autorités rwandaises doivent répondre de manière exhaustive, a estimé vendredi Human Rights Watch (HRW).

"Hôtel Rwanda" décrit comment Paul Rusesabagina, un Hutu marié à une Tutsi, a sauvé durant le génocide de 1994, plus de 1.200 personnes réfugiées dans l'hôtel des Mille Collines à Kigali, dont il était le directeur, en usant de son influence auprès des miliciens hutu.

Le génocide a fait environ 800.000 morts entre avril et juillet 1994, selon l'ONU, essentiellement parmi la minorité tutsi, mais aussi chez les Hutu modérés.

Devenu un critique du régime, M. Rusesabagina, 66 ans, vivait en exil aux Etats-Unis jusqu'à ce que le Rwanda annonce il y a dix jours son arrestation. Il est accusé de meurtre, terrorisme et financement de groupes rebelles par les autorités rwandaises.

Sa famille pense qu'il a été enlevé au cours d'un voyage à Dubaï, estimant qu'il ne serait jamais retourné de lui-même au Rwanda.

"Le Rwanda a un passif établi de recours à des méthodes illégales, secrètes, pour viser ceux perçus comme des menaces pour le parti au pouvoir", a déclaré Lewis Mudge, directeur de HRW pour l'Afrique centrale.

"Le fait que le Rwanda n'ait pas poursuivi M. Rusesabagina par le biais de procédures d'extradition légales suggère que les autorités ne croient pas que leurs preuves (...) seraient admises par un tribunal indépendant. Ils ont donc opté pour un contournement de la loi."

Selon HRW, le fait que les autorités rwandaises aient attendu trois jours pour annoncer l'arrestation de M. Rusesabagina montre qu'il a été victime d'une "disparition forcée"

Le président rwandais, Paul Kagame, a démenti qu'il ait été enlevé, mais laissé entendre qu'il pourrait avoir été trompé sur sa destination finale.

Après le génocide, auquel les troupes de M. Kagame ont mis fin, M. Rusesabagina est devenu de plus en plus critique envers le régime, l'accusant d'autoritarisme et de favoriser le sentiment anti-hutu.

Il a fondé en 2018 le Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), soupçonné d'avoir un bras armé, le Front national de libération (FLN). Mais l'implication de M. Rusesabagina dans les actions de ce groupe considéré comme terroriste par Kigali n'est pas claire.

"La gravité des charges contre M. Rusesabagina ne donnent pas aux autorités rwandaises un blanc seing pour recourir au crime de disparition forcée et ignorer les procédures et les normes internationales relatives aux procès équitables", a ajouté Lewis Mudge.

HRW appelle le Rwanda à donner à M. Rusesabagina un accès immédiat à des avocats de son choix et à "expliquer au plus vite, de manière complète et corroborée, comment M.Rusesabagina a été appréhendé et transféré au Rwanda."