Le président kosovar démissionne pour faire face à son inculpation à la Haye

2 min 39Temps de lecture approximatif

Le président du Kosovo Hashim Thaçi a démissionné jeudi pour faire face à son inculpation par le tribunal spécial de la Haye sur les crimes de guerre durant le conflit contre les forces serbes, une chute dramatique pour un homme au coeur du pouvoir depuis plus d'une décennie.

L'ancien chef politique de la rébellion indépendantiste (UCK) a expliqué qu'il voulait par son retrait protéger la fonction présidentielle, après la validation par un juge de sa mise en accusation pour des chefs découlant de la guerre de la fin des années 1990.

"Pour défendre l'intégrité de la fonction de président et du Kosovo, ainsi que la dignité des citoyens, je démissionne du poste de président de la République du Kosovo", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Pristina.

Quelques heures plus tard, il décollait de la capitale kosovare avec deux autres ex-guérilloros inculpés, à bord d'un avion militaire à destination de la Haye, selon la presse locale.

Hashim Thaçi, 52 ans, proclame depuis toujours son innocence dans le conflit de 1998-99 et accuse la justice internationale de "réécrire l'Histoire".

La plupart des habitants du Kosovo, qui a déclaré en 2008 son indépendance jamais reconnue par Belgrade, considèrent le conflit comme une "guerre juste" contre l'oppresseur serbe.

- "Collaborer avec la justice" -

"Ce ne sont pas des moments faciles pour moi et ma famille, et pour ceux qui m'ont soutenu et ont cru en moi durant ces trois dernières décennies de lutte pour la liberté, l'indépendance et la construction d'une nation", a lancé l'ancien guérilléro.

Vjosa Osmani, la présidente du Parlement, assumera les fonctions de cheffe de l'Etat par intérim.

La mise en accusation de Hashim Thaçi, qui était président depuis 2016 après avoir été Premier ministre, avait été rendue publique en juin par le tribunal spécial de la Haye (KSC). Mais elle devait, selon la procédure, encore être validée par un juge.

Il est soupçonné d'être "responsable de près de cent meurtres", de disparitions forcées, de persécutions et de tortures.

Hashim Thaçi n'a pas précisé quelles charges avaient été retenues par le tribunal spécial pour son inculpation. Il a cependant promis de "collaborer étroitement avec la justice". "Je crois en la vérité, en la réconciliation et en l'avenir de notre pays et de notre société", a-t-il dit.

Le tribunal s'est refusé à tout commentaire.

Son allié proche, Kadri Veseli, ex-patron du renseignement de la guérilla, a également annoncé jeudi la confirmation de son inculpation par la justice internationale.

Au total, cinq guérilleros sont dans ce cas.

Le KSC est une instance de droit kosovar composée de juges internationaux et chargée d'enquêter sur des crimes commis par les indépendantistes kosovars, principalement à l'encontre de Serbes, de Roms et d'opposants kosovars à la guérilla.

- corruption d'une élite -

Dernier conflit à consacrer la désintégration de l'ex-Yougoslavie, la guerre du Kosovo a fait plus de 13.000 morts, des Albanais pour la plupart. Elle s'est terminée quand une campagne occidentale de bombardements a contraint les forces serbes à se retirer.

Des hauts responsables de l'armée et de la police serbes furent par la suite condamnés pour crimes de guerre par la justice internationale, lors du conflit durant lequel des milliers de civils albanais ont été tués, torturés ou déplacés.

Mais certains responsables de la guérilla, dont beaucoup sont devenus des acteurs politiques majeurs, sont aussi accusés d'atrocités contre des Serbes, des Roms et des opposants albanais pendant et après la guerre.

Le tribunal spécial siège aux Pays-Bas afin de protéger les témoins qui sont soumis à des pressions et des menaces. Les procureurs ont accusé par deux fois Hashim Thaçi de vouloir nuire aux travaux de la cour.

Au Kosovo, l'un des endroits les plus pauvres d'Europe, certains accusent le président de représenter une élite coupable de corruption et de capture des ressources de l'Etat. Mais peu de Kosovars critiquent l'héritage de l'UCK.