Le président kosovar, inculpé, démissionne et est mis en détention à La Haye

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Le président du Kosovo Hashim Thaçi était jeudi soir en détention à La Haye après avoir démissionné pour faire face à son inculpation par le tribunal spécial de la Haye sur les crimes de guerre durant le conflit contre les forces serbes.

L'ancien chef politique de la rébellion indépendantiste kosovare (UCK), au coeur du pouvoir depuis plus de dix ans, et trois autres suspects "ont été transférés au centre de détention" du tribunal dans la ville néerlandaise, a indiqué cette instance dans un communiqué.

M. Thaçi, 52 ans, avait démissionné jeudi de la présidence pour, avait-il expliqué, "défendre l'intégrité de la fonction de président et du Kosovo", après la validation par un juge de sa mise en accusation pour des chefs découlant de cette guerre de la fin des années 1990.

Trois autres suspects ont aussi été transférés à La Haye, a indiqué le tribunal: l'ancien porte-parole de l'UCK Jakup Krasnigi, un des plus proches alliés politiques de M. Thaçi, Kadri Veseli, ex-patron du renseignement de la guérilla, ainsi qu'une des figures marquantes de l'UCK, Rexhep Selimi.

Les quatre hommes sont soupçonnés de près de cent meurtres, de disparitions forcées, de persécutions et de tortures, des actes commis entre mars 1998 et septembre 1999.

Le tribunal annoncera ultérieurement à quelle date les inculpés comparaîtront pour la première fois.

Quelques heures après sa démission, M. Thaçi avait décollé de Pristina, la capitale kosovare, à bord d'un avion militaire à destination de la Haye, selon la presse locale.

M. Thaçi clame son innocence dans le conflit de 1998-99 et accuse la justice internationale de "réécrire l'Histoire".

La plupart des habitants du Kosovo, territoire qui a déclaré en 2008 son indépendance jamais reconnue par Belgrade, considèrent le conflit comme une "guerre juste" contre l'oppresseur serbe.

- "Collaborer avec la justice" -

"Ce ne sont pas des moments faciles pour moi et ma famille, et pour ceux qui m'ont soutenu et ont cru en moi durant ces trois dernières décennies de lutte pour la liberté, l'indépendance et la construction d'une nation", a déclaré Hashim Thaçi.

Vjosa Osmani, la présidente du Parlement, assumera les fonctions de cheffe de l'Etat par intérim.

La mise en accusation de Hashim Thaçi, qui était président depuis 2016 après avoir été Premier ministre, avait été rendue publique en juin par le tribunal spécial de la Haye (KSC). Mais elle devait, selon la procédure, encore être validée par un juge.

M. Thaçi a promis de "collaborer étroitement avec la justice". "Je crois en la vérité, en la réconciliation et en l'avenir de notre pays et de notre société", a-t-il dit.

Le KSC est une instance de droit kosovar composée de juges internationaux et chargée d'enquêter sur des crimes commis par les indépendantistes kosovars, principalement à l'encontre de Serbes, de Roms et d'opposants kosovars à la guérilla.

- Corruption d'une élite -

Dernier conflit à consacrer la désintégration de l'ex-Yougoslavie, la guerre du Kosovo a fait plus de 13.000 morts, des Albanais pour la plupart. Elle s'est terminée quand une campagne occidentale de bombardements a contraint les forces serbes à se retirer.

Des hauts responsables de l'armée et de la police serbes ont été par la suite condamnés par la justice internationale pour des crimes de guerre commis lors du conflit, durant lequel des milliers de civils albanais ont été tués, torturés ou déplacés.

Mais certains responsables de la guérilla, dont beaucoup sont devenus des acteurs politiques majeurs, sont aussi accusés d'atrocités contre des Serbes, des Roms et des opposants albanais pendant et après la guerre.

Le tribunal spécial siège aux Pays-Bas afin de protéger les témoins qui sont soumis à des pressions et des menaces. Les procureurs ont accusé par deux fois Hashim Thaçi de vouloir nuire aux travaux de la cour.

Au Kosovo, l'un des territoires les plus pauvres d'Europe, certains accusent le président de représenter une élite coupable de corruption et de captation des ressources de l'Etat. Mais peu de Kosovars critiquent l'héritage de l'UCK.