HRW accuse le Népal de bloquer les poursuites pour les crimes de la guerre civile

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Les autorités du Népal empêchent la police et les procureurs de poursuivre les crimes de guerre remontant au conflit qui s'est achevé il y a 14 ans, contribuant ainsi à une culture d'impunité, dénonce vendredi un rapport de Human Rights Watch (HRW) et d'Advocacy Forum.

Plus de 16.000 personnes sont mortes et plus de 1.000 ont été portées disparues pendant les 10 ans de guerre civile entre les forces de sécurité et une guérilla maoïste, qui avait pris fin en 2006 avec l'entrée au gouvernement des maoïstes.

La justice n'a été saisie que de deux cas de crimes de guerre, les meurtres d'une adolescente et d'un journaliste.

L'accord de paix de 2006 prévoyait la mise en place d'une justice transitionnelle. Après des années de batailles politiques, deux commissions ont été créées en 2015 pour enquêter sur les crimes de guerre, mais aucune enquête n'a été terminée malgré plus de 65.000 plaintes pour des assassinats, viols et disparitions forcées.

"Cette inaction favorise la persistance d'une tendance à commettre de graves violations, y compris des meurtres extrajudiciaires et des actes de torture, de la part des forces de sécurité", selon un communiqué de HRW.

Dans un rapport publié à l'occasion du 14e anniversaire de l'accord de paix, les organisations de défense des droits humains américaine HRW et népalaise Advocacy Forum demandent au gouvernement népalais de lever toutes les restrictions empêchant la police et les procureurs de travailler sur les affaires remontant à la guerre civiles.

Elles lui enjoignent également d'amender la loi sur la justice transitionnelle de 2014 régissant les deux commissions d'enquête, afin de s'assurer qu'aucune violation flagrante des droits humains ne bénéficie d'amnistie.

- "Climat d'impunité" -

"Le gouvernement népalais a régulièrement favorisé un climat d'impunité, protégeant des auteurs présumés d'abus au détriment des droits des victimes et affaiblissant ainsi l'Etat de droit", déclare Meenakshi Ganguly, directrice de HRW pour l'Asie du Sud, citée dans le communiqué.

"Au lieu d'apporter vérité et réconciliation, les faibles structures de la justice transitionnelle qui ont été mises en place ont été utilisées pour temporiser et servir de prétexte à éviter d'engager des enquêtes criminelles ou des réformes essentielles".

Intitulé "Pas de loi, pas de justice, pas de soutien de l'Etat pour les victimes: la culture de l'impunité au Népal depuis le conflit", le rapport étudie l'évolution de 62 cas de meurtres extrajudiciaires déjà documentés par les deux organisations en 2008.

Plus de 10 ans après, elles n'ont guère trouvé de progrès en matière de poursuites judiciaires, la police et les procureurs assurant que le gouvernement leur avait signifié que ces dossiers seraient traités par des mécanismes de la justice transitionnelle.

"Il est vrai que certains cas remontant au conflit sont mis en attente dans les tribunaux ordinaires afin que les victimes obtiennent justice par le biais des mécanismes de la justice transitionnelle", a déclaré le procureur général et ancien ministre de la Justice Agni Kharel. "Mais des alternatives peuvent être explorées si le processus se prolonge indéfiniment sans résultats".

D'autres responsables gouvernementaux n'étaient pas disponibles pour commenter ce rapport.

Suman Adhikari, dont le père a été tué par les maoïstes en 2002, explique dans le rapport que la quête des familles de victimes pour la vérité et la justice se poursuit toujours. "C'est vraiment frustrant pour les victimes d'attendre la justice", dit-il.

Le processus de vérité et réconciliation au Népal a dès le départ souffert d'une architecture déficiente et d'un manque de financement et de volonté politique, estiment ses détracteurs.

En 2015, la Cour suprême du Népal avait invalidé des passages de la loi de 2014, ordonnant au gouvernement de se conformer au droit international et de supprimer des dispositions prévoyant l'amnistie pour certaines violations graves. Cinq ans plus tard, ces amendements n'ont toujours pas été effectués.