01.10.2003 - TPIR/MILITAIRES I - BAGOSORA AURAIT ORDONNE LE MASSACRE DE REFUGIES EN AVRIL 1994

Arusha, le 1er octobre 2003 (FH) - Un témoin du parquet entendu par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a affirmé mercredi que l'ancien directeur de cabinet au ministère rwandais de la défense, le colonel Théoneste Bagosora, avait ordonné le massacre de réfugiés Tutsis en avril 1994. Le 19è témoin de l'accusation désigné par les lettres "AR" pour dissimuler son identité dépose depuis mardi dans le procès qui regroupe Bagosora, considéré comme "le cerveau" du génocide rwandais, et trois autres hauts gradés des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR).

3 min 15Temps de lecture approximatif

AR a rapporté qu'en date du 11 avril 1994, des milliers de réfugiés, dont il faisait partie, avaient été déplacés sous escorte de militaires et de miliciens en différents endroits de Kigali, de la SONATUBES (Société Nationale des Tubes) à l'ETO (Ecole Technique Officielle), puis sur la colline de Nyanza. Ces lieux sont situés en commune urbaine de Kicukiro.

"Après avoir dépassé l'ETO, J'ai aperçu Bagosora à bord D'une jeep militaire de marque Mercedes", a affirmé le témoin en répondant à l'interrogatoire principal du représentant américain du parquet, Drew White.

Citant une source radio sans préciser ni la station, ni la date D'émission, le témoin a indiqué que Bagosora avait claqué la porte des négociations avec la rébellion (en 1993 à Arusha en Tanzanie) en disant qu'il rentrait au Rwanda "pour préparer l'apocalypse".

Le parquet formule les mêmes allégations dans son acte D'accusation. l'accusation maintient que Bagosora et ses co-accusés étaient contre les accords D'Arusha, qui devaient aboutir à la formation D'un gouvernement à base élargie incluant l'opposition armée et non armée.

Ces accords sont devenus caducs avec la reprise des hostilités consécutive à la mort du président le 6 avril 1994.

"En voyant Bagosora sur la route, je me suis dis que l'apocalypse promise allait se réaliser. Effectivement, une fois arrivés à Nyanza, les militaires ont commencé à tirer sur nous", a allégué AR, estimant le nombre de réfugiés à environ 3000. Selon lui, les militaires agissaient sous les ordres de l'accusé.

A l'appui de la déposition du témoin, Drew White a produit une vidéo montrant des cadavres entassés les uns sur les autres pour illustrer les massacres allégués de Nyanza.

"Les militaires ont tiré jusqu'à ce qu'ils se soient assurés qu'il n'y avait plus âme qui vivait", a affirmé AR, expliquant que "la fusillade avait duré jusque vers 20 heures trente".

Le témoin serait resté sur les lieux du massacre pendant deux jours, "blessé et enseveli sous les corps". D'après lui, quelques survivants ont été sauvés par des soldats du FPR (l'ex-rébellion du Front Patriotique Rwandais à dominante Tutsie) qui était en guerre contre l'armée gouvernementale.

La vidéo en question
Les équipes de défense ont dans leur ensemble douté de l'authenticité de la vidéo produite par le procureur, sans pour autant contester qu'il y a eu des massacres à Nyanza au moment où le témoin situe les faits.

"Nous ne savons pas qui l'a filmée, où et quand", a fait remarquer Me Ottachi Bw'Omanwa, l'avocat kenyan de l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, un des accusés dans ce procès.

l'avocat franco-martiniquais de Bagosora, Me Raphaël Constant a abondé dans le même sens, signalant que la date du tournage affichée au bas de l'image est différente de celle alléguée par l'accusation. La vidéo affichait la date du 22 avril 1994.

Le témoin a lui-même nié avoir vu quelqu'un filmer le lieu des massacres pendant les deux jours qu'il y a passé caché parmi les cadavres.

Me Constant a en outre suggéré que son client n'était pas à Nyanza à la date alléguée des massacres. "Je ne l'y ai pas vu, je ne sais pas où il s'est rendu après le passage des réfugiés", a répondu AR.

Bagosora et Nsengiyumva sont co-accusés avec l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, et l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kanombe (Kigali), le major Aloys Ntabakuze.

Ce procès dit "Militaires I" se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge norvégien Erik Mose, assisté des juges russe Serguei Aleckseievich et fidjien Jai Ram Reddy.

Le procureur a annoncé que le dernier témoin de la session, dénommé "DP", pourrait ne pas comparaître jeudi comme prévu, en raison D'une "tragédie" qui serait survenue à sa famille.

La défense a quant à elle exprimé la crainte de ne pas être en mesure D'épuiser le contre-interrogatoire de ce témoin, au cas où il serait cité par le parquet, avant l'ajournement du procès vendredi. Les avocats ont donc sollicité le report de sa déposition à la session de novembre.

La chambre réglera cette question jeudi.

GA/CE/GF/FH (Ml'1001A)