18.09.2001 - TPIR/NTAKIRUTIMANA - LE PROCES DU PASTEUR ADVENTISTE ET DE SON FILS MEDECIN S'EST OUVER

Arusha, le 18 septembre 2001 (FH) - Le procès du pasteur adventiste rwandais accusé conjointement avec son fils s'est ouvert mardi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Elizaphan Ntakirutimana, 77 ans, ancien pasteur à l'église adventiste de Mugonero (préfecture de Kibuye, ouest du Rwanda) et son fils Gérard Ntakirutimana, 44 ans, ex-médecin à l'hôpital de Mugonero, répondent de cinq chefs D'accusation de génocide, de crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

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Dans sa déclaration liminaire, le substitut nigérian du procureur Charles Adeogun-Phillips, a affirmé que les coaccusés sont des "prédateurs qui ont livré de nombreuses personnes à la mort".

Le parquet allègue que Elizaphan Ntakirutimana et Gérard Ntakirutimana ont participé à des massacres de Tutsis qui s'étaient réfugiés dans "le complexe de Mugonero" et sur les collines avoisinantes de Bisesero. "Ils y ont pris part et plongé leur main dans le sang", a déclaré le représentant du parquet.

Charles Adeogun-Phillips a indiqué que les coaccusés étaient des hommes respectés dans leur communauté et qui "avaient des moyens considérables et un pouvoir certain". Les Tutsis "attendaient qu'ils useraient de leur influence pour les protéger contre les attaques", a-t-il dit.

"Le pasteur a regardé les gens être tués, le fils a pris une part plus importante dans les massacres", a poursuivi Charles Adeogun-Phillips.

Gérard Ntakirutimana était présent lors du viol D'une femme tutsie à l'hôpital de Mugonero et a tué personnellement un certain Charles Ukobizaba, selon le procureur.

Le parquet accuse en outre le Dr Ntakirutimana D'avoir, à un certain moment au plus fort du génocide, fermé l'hôpital de Mugonero et refusé de soigner les Tutsis blessés.

La poursuite allègue qu'hormis le gouvernement, l'église était l'institution la plus puissante au Rwanda. "Les instances de l'église ont au mieux montré leur inutilité et au pire leur complicité dans le génocide", a déclaré Charles Adeogun-Phillips.

Le représentant du procureur a indiqué que certains pasteurs ont notamment révélé des cachettes des Tutsis persécutés, refusé de leur donner asile ou passaient des heures dans des réunions avec des hommes politiques compromis dans des massacres.

"Tous ceux qui ont visité les églises du Rwanda où certains des massacres ont été commis et ont vu des corps D'hommes, de femmes, et D'enfants tordus de douleur et gisant par centaines près des autels des églises ne l'oublieront jamais", a souligné Charles Adeogun-Phillips.

Elizaphan Ntakirutimana est le premier homme D'église dont le procès s'ouvre devant le Tribunal D'Arusha. Le TPIR a également inculpé un évêque anglican et deux prêtres catholiques.

Elizaphan Ntakirutimana était pasteur adventiste depuis de nombreuses années et en 1994, sa juridiction s'étendait sur les préfectures de Kibuye et de Cyangugu (sud-ouest du Rwanda). Il y avait environ cinquante mille fidèles.

Mugonero "était un ghetto adventiste" au Rwanda, a dit Charles Adeogun-Phillpps, précisant que 5% de Rwandais étaient adventistes, suivant les statistiques de 1994.

Le parquet devrait citer vingt quatre témoins dans cette affaire, dont un expert. Le témoin expert du procureur est le journaliste canadien Hugh McCullum, qui a fait des recherches sur les relations entre l'église et le pouvoir politique sous l'ancien président Juvénal Habyarimana. En 1995, McCullum a écrit un livre intitutlé "Les anges nous ont quitté. La tragédie rwandaise et les églises".

Arrêté au Texas (Etats-Unis) en 1996, Elizaphan Ntakirutimana, a été transféré à Arusha en mars 2000 au terme D'une longue bataille juridique contre l'extradition. Il est défendu par Me Ramsey Clark, ancien procureur général des Etats Unis.

Gérard Ntakirutimana a quant à lui été arrêté en Côte D'Ivoire en 1996. Il est défendu par l'Américain Me Edward Medvene.

Leur procès se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR, présidée dans cette affaire, par le juge norvégien Erik Mose, et comprenant en outre les juges sud-africaine, Navanathem Pillay, et sénégalaise, Andrésie Vaz.

Les Ntakirutimana devaient être jugés avec l'ancien maire de Gishyita, Charles Sikubwabo, en fuite. Le Tribunal a ordonné une disjonction D'instances. Le premier témoin du parquet a été un enquêteur indien du TPIR, Upendra Baghel, qui a montré des photographies des lieux des crimes allégués dans l'acte D'accusation.

AT/PHD/FH (NT_0918A )