26.02.2001 - TPIR/MEDIAS - LE PARQUET REDUIT SES TEMOINS DE MOITIE

Arusha 26 février 2001 (FH) - Le parquet a réduit de moitié ses témoins dans le procès des anciens responsables des "médias de la haine", a-t-on appris lundi au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le substitut camerounais du procureur, William Egbe, a indiqué à la cour que le nombre de témoins de l'accusation va passer de 97 à 47.

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William Egbe s'est toutefois dit incapable de donner la liste définitive des témoins retenus, malgré l'insistance des avocats de la défense. Le représentant du parquet a indiqué qu'il pourrait le faire dans deux semaines.

William Egbe a ensuite révélé que parmi ses témoins se trouve l'épouse tutsie D'un des coaccusés, l'ancien conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la Radio-télévision libre des mille collines (RTLM), Jean-Bosco Barayagwiza.

Ouvert sur le fond le 23 octobre 2000, le procès des médias concerne outre Jean-Bosco Barayagwiza, l'ancien promoteur de la RTLM, Ferdinand Nahimana, ainsi que l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze. Seul Ferdinand Nahimana participe régulièrement aux audiences.

Le parquet a affirmé qu'il pourrait clôturer la présentation de ses moyens de preuve à la fin du mois de juillet.

Le Tribunal entend depuis lundi matin la déposition du huitième témoin de l'accusation.

Désigné sous le pseudonyme "ABE" pour protéger son anonymat, le témoin appartenait au parti à majorité tutsie, le Parti libéral (PL), en 1994.

Le témoin a indiqué que les partis politiques vivaient " à couteaux tirés", " la cause de cela étant principalement le MRND [l'ex-parti présidentiel] et la CDR [Coalition pour la défense de la république].

Ferdinand Nahimana appartenait au MRND tandis que Jean-Bosco Barayagwiza et Hassan Ngeze appartenaient à la CDR.

Le témoin a affirmé que Jean-Bosco Barayagwiza était l'idéologue de la CDR. "La CDR disait que les Hutus (les vrais Hutus, ceux qui étaient de pur sang, devraient suivre la ligne politique des années 1959, que les Hutus devraient se mettre ensemble pour combattre l'ennemi tutsi".

En 1959, une "révolution sociale" menée par les Hutus avait chassé les Tutsis du pouvoir au Rwanda, contraignant plusieurs D'entre eux à l'exil.

l'avocat principal de Hassan Ngeze, l'Américain Me John Floyd, s'est plusieurs fois élevé contre les déclarations du témoin, affirmant qu'il s'agissait D'opinions contestables et non de faits.

Ferdinand Nahimana aurait été présenté au cours D'un meeting du MRND en 1993 comme directeur de la RTM, a dit le témoin. Un homme D'affaires en fuite, Félicien Kabuga, considéré comme le principal actionnaire de la RTLM, aurait été également présent. Le meeting était dirigé par le président du MRND, Mathieu Ngirumpatse, détenu à Arusha, selon ABE.

Mathieu Ngirumpatse aurait exhorté les participants à ne plus écouter la radio nationale "des Inyenzi [cancrelats, terme souvent utilisé pour désigner les Tutsis]" mais uniquement la RTLM.

Le parquet affirme que "la RTLM a été utilisée pour diffuser des émissions conçues pour provoquer la haine inter-ethnique et pour inciter la population à tuer et à commettre des actes de violence et de persécution à l'encontre de la population tutsie et à l'encontre D'autres personnes en raison de leur appartenance politique".

l'avocat principal de Ferdinand Nahimana, le Français Me Jean-Marie Biju-Duval, a signalé que le passage sur la RTLM ne figurait pas dans la déclaration écrite du témoin, expliquant: "je vois là une manoeuvre empreinte de déloyauté, qui porte atteinte aux droits de la défense".

William Egbe a répondu que le témoin ne devrait pas se limiter à sa déclaration écrite, antérieurement remise aux parties.

Le témoin a ajouté que la revue Kangura appelait "les Hutus à combattre les Tutsis et les Hutus qui ne parlaient pas leur langage". La déposition de "ABE" devrait se poursuivre toute la journée de lundi.

AT/PHD/FH (ME_0226A)