Conflit séparatiste tamoul au Sri Lanka: Bachelet veut des sanctions contre l'armée

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La Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme a demandé une enquête de la Cour pénale internationale sur le conflit séparatiste tamoul au Sri Lanka et des sanctions contre tous les responsables accusés de crimes de guerre, du côté des rebelles comme de l'armée, selon un rapport obtenu par l'AFP.

Michelle Bachelet a accusé le Sri Lanka de revenir sur ses promesses de garantir que la justice soit faite pour les milliers de civils tués durant les derniers mois du conflit qui a duré 37 ans, fait plus de 100.000 morts et pris fin en mai 2009 dans un bain de sang avec l'écrasement de la rébellion séparatiste des Tigres tamouls.

"Les initiatives nationales en faveur de la responsabilité et de la réconciliation ont maintes fois échoué à produire des résultats, enracinant l'impunité plus profondément et exacerbant la méfiance des victimes à l'égard du système", a déclaré la Haut-Commissaire citée dans un rapport obtenu avant sa publication.

Le gouvernement du président Gotabaya Rajapaksa est revenu sur certaines avancées réalisées par les précédents cabinets en matière de protection des droits de l'homme, souligne ce rapport.

La surveillance des militants des droits de l'homme et des dissidents s'est accentuée et un climat d'autocensure s'est instauré, ajoute le rapport.

M. Rajapaksa a remporté l'élection présidentielle de 2019 avec un programme nationaliste incluant la promesse que les militaires qui avaient écrasé les rebelles tamouls ne seraient pas poursuivis.

M. Rajapaksa était le plus haut responsable de la Défense lorsque les forces gouvernementales ont vaincu la guérilla. Son frère Mahinda, actuellement son Premier ministre, était alors président.

Des défenseurs des droits de l'homme accusent les forces sri-lankaises d'avoir tué au moins 40.000 civils tamouls durant les derniers mois du conflit, des chiffres contestés par le gouvernement.

Les troupes sri-lankaises ont été accusées, dans plusieurs rapports des Nations unies, d'avoir conduit des bombardements indiscriminés, frappé des hôpitaux, exécuté des rebelles qui s'étaient rendus et d'être responsables de la disparition de milliers de Tamouls.

Le président, lieutenant-colonel à la retraite, a menacé l'an dernier de quitter le Conseil des droits de l'homme de l'ONU s'il maintenait ses accusations contre l'armée.

Le Sri Lanka, n'ayant pas adhéré à la CPI, reste hors de sa juridiction. Mais, si aucun autre État ne peut assigner un non-signataire devant la CPI, en revanche l'ONU en a le pouvoir.

Dans son rapport, Mme Bachelet a, pour la première fois, recommandé "un processus en vue du renvoi de la situation au Sri Lanka devant la Cour pénale internationale" et appelé à des mesures contre les criminels de guerre, y compris les rebelles tamouls.

- "Gel des avoirs" -

En outre, "les États membres peuvent mener activement les enquêtes et conduire les poursuites des crimes internationaux commis par toutes les parties au Sri Lanka devant leurs propres tribunaux nationaux", a-t-elle souligné.

Ce rapport de 17 pages prône également d'éventuelles sanctions ciblées, "telles que le gel d'avoirs et l'interdiction de voyager, contre des auteurs vraisemblablement présumés" de violations des droits.

Le général Silva, commandant sur le terrain au plus fort de la guerre séparatiste, est déjà visé par une interdiction de voyager aux États-Unis.

Le Sri Lanka a résisté aux appels répétés en faveur d'une enquête indépendante, les frères Rajapaksa niant que des crimes de guerre avaient été commis.

Toutefois, le président Rajapaksa, dans un revirement la semaine dernière, a annoncé que le Sri Lanka enquêterait sur certaines accusations.

Il a donné six mois à une commission d'enquête pour examiner les enquêtes sur les allégations de "violations des droits de l'homme" et "violations graves du droit humanitaire international".

Selon l'organe des Nations unies chargé des droits de l'homme, le président a sapé depuis son retour au pouvoir les enquêtes policières précédentes et peut-être contribué à la destruction de preuves.

Mme Bachelet a appelé les États membres à prendre des mesures pour préserver les preuves dans des affaires clés telles que le meurtre de 17 travailleurs humanitaires d'une organisation caritative française en août 2006 et l'assassinat en 2009 du rédacteur en chef du journal Lasantha Wickrematunge.