28.06.2000 - TPIR/KAMBANDA - LE PROCUREUR DEMANDE DE CONFIRMER EN APPEL LA SENTENCE CONTRE KAMBANDA

Arusha 28 juin 2000 (FH) - Le procureur du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Carla Del Ponte, a demandé mercredi à la Chambre D'appel de confirmer la peine D'emprisonnement à vie infligée à l'ancien premier ministre rwandais, Jean Kambanda. "J'ai suivi avec beaucoup D'intérêt ce que Kambanda a dit hier.

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Kambanda a plaidé coupable une deuxième fois en admettant une responsabilité qu'il dit politique, la responsabilité du génocide au Rwanda", a déclaré Carla Del Ponte. "Mais aussi", a-t-elle poursuivi, "il a confirmé les déclarations qu'il a faites avant et après l'accord D'aveu de culpabilité, or elles constituent le fond de l'acte D'accusation établi contre lui."

Jean Kambanda a été condamné à l'emprisonnement à vie le 4 septembre 1998, après avoir plaidé coupable de toutes les charges établies contre lui, dont le génocide et l'entente en vue de commettre le génocide. Mardi, il a demandé à la Chambre D'appel de retirer son plaidoyer de culpabilité et D'ordonner un procès. Jean Kambanda et sa défense ont fait valoir que le TPIR a erré en droit, en entérinant la validité de l'accord par lequel Kambanda a accepté de plaider coupable, que le greffe du TPIR lui avait refusé l'avocat de son choix, le Belge Me Johan Scheers, et qu' il y a eu un laisser-faire des juges de la Chambre de première instance.

"Je me demandais si Kambanda aurait dû avoir la possibilité D'avoir un procès," a déclaré mercredi le procureur Del Ponte aux juges de la Chambre D'appel, "mais l'audition D'hier était importante parce qu'elle a balayé toutes mes hésitations [...]. Le changement est que sa responsabilité ne serait plus pénale mais politique et qu'il Kambanda veut revenir sur son aveu, mais en ne touchant en rien à ses déclarations".

Le procureur du TPIR a déclaré que Kambanda savait quelles étaient les conséquences D'un plaidoyer de culpabilité, mais que c'est le fait D'avoir été condamné à l'emprisonnement à vie qui l'a amené à former un appel. Elle a ajouté que les trois motifs invoqués par Kambanda pour revenir sur son plaidoyer "n'entachent en rien l'accord sur l'aveu ".

Carla Del Ponte a rappelé aux juges que Kambanda a déclaré la veille que "la défense c'est D'abord moi". "Cela vous donne un élément de preuve qu'il agissait volontairement, en toute connaissance de cause," a-t-elle plaidé.

"Faisons l'hypothèse que tout ce qu'il dit est vrai," a poursuivi Carla Del Ponte, faisant allusion aux arguments de Kambanda, selon lesquels son avocat était plutôt au service de l'accusation et qu'il avait épuisé tous les recours, "il reste incompréhensible que pendant ses trois comparutions devant la chambre de première instance, il ne se soit pas exprimé là-dessus."

La Suissesse Carla Del Ponte qui a commis à trois reprises un lapsus en prononçant le nom de Kagame (le nom de l'actuel président rwandais) pour désigner Kambanda, a affirmé que ce dernier connaissait la teneur de l'accord qu'il a signé, pourquoi il l'avait signé, et pourquoi il n'y avait pas renoncé. "C'est un accord valable, volontaire et sans contrainte," a-t-elle conclu.

l'avocat hollandais de Kambanda, Tjarda Eduard van der Spoel, avait affirmé mercredi matin devant les juges que son client avait été mal informé à la fois par son ancien avocat et par la chambre de première instance.

"Le tribunal aurait dû lui expliquer que le plaidoyer de culpabilité ne pouvait nullement réduire la peine D'emprisonnement à vie qu'il encourait," a déclaré l'avocat. "La responsabilité D'informer Kambanda incombait non seulement à l'avocat, mais aussi au tribunal," a-t-il poursuivi. "Isolé, n'ayant pas bénéficié D'un conseil, Kambanda a signé l'accord, ne disposant pas de toute sa volonté et nous soutenons que le tribunal aurait dû pousser plus loin son enquête," a ajouté Me Tjarda Eduard van der Spoel, avant de conclure que "si vous rejetez tous nos motifs D'appel, messieurs les juges, vous devriez atténuer la sentence."

Dans ses conclusions finales, Jean Kambanda a révélé que l'avocat qu'il avait pressenti, le belge Johan Scheers, était en possession D'un document confidentiel sur l'assassinat de l'ancien président Juvénal Habyarimana. Par ailleurs, Jean Kambanda a promis de continuer à témoigner "en fonction de la vérité sur le drame rwandais en 1994." "Mon projet, mon message est que tout cela soit mis en lumière, que l'on sache qui a fait quoi," a-t-il conclu.

La chambre D'appel a mis l'affaire en délibéré.

CR/PHD/FH (KM%0628A)