Président du Pérou, un fauteuil éjectable qui peut conduire en prison

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Corruption des élites, pouvoirs du Parlement : le fauteuil de président du Pérou s'apparente souvent à un siège éjectable, qui peut conduire en prison ou même à la mort.

Sur les dix présidents qu'a connus le pays depuis la fin du régime militaire en 1980, sept ont été condamnés ou sont le coup d'une enquête pour des scandales de corruption.

Seuls Fernando Belaunde Terry (1963-1968 et 1980-1985) et Valentin Paniagua (huit mois en 2000-2001) en sont sortis indemnes.

Président par intérim depuis novembre, Francisco Sagasti semble être en mesure de terminer sans encombre son mandat avant le scrutin de dimanche qui désignera son successeur parmi 18 candidats au poste suprême.

- Scandale Odebrecht -

Le scandale de corruption Odebrecht, du nom du géant du BTP brésilien qui a éclaboussé ces dernières années la classe politique latino-américaine, a terni le mandat de quatre ex-présidents péruviens. Odebrecht a reconnu avoir versé à la classe politique péruvienne 29 millions de dollars de pots-de-vin entre 2005 et 2014.

Soupçonné de pots-de-vin et blanchiment d'argent, Alan Garcia, président à deux reprises (1985-1990 et 2006-2011) se suicide le 17 avril 2019 avant son arrestation dans cette affaire.

Alejandro Toledo (2001-2006), soupçonné d'avoir perçu 20 millions de dollars d'Odebrecht pour le marché de construction d'une autoroute, a été arrêté en 2019 aux Etats-Unis puis placé en résidence surveillée après sept mois de prison dans l'attente d'une possible extradition.

Ollanta Humala (2011-2016), premier président de gauche péruvien depuis 36 ans, est sous le coup d'une enquête et pourrait être renvoyé devant un tribunal. L'ancien président a passé neuf mois en détention provisoire entre 2017 et 2018 pour corruption dans l'affaire Odebrecht, mais figure parmi les 18 candidats à la présidentielle de dimanche.

Pedro Pablo Kuczynski, élu en 2016, démissionne en mars 2018 à la veille d'un probable vote du Parlement pour le destituer, lui aussi visé par une enquête pour blanchiment d'argent en lien avec Odebrecht. M. Kuczynski a été placé en détention provisoire, puis en résidence surveillée.

- Parlement omnipotent -

Le 21 novembre 2000, après un scandale de corruption, le Parlement destitue pour "incapacité morale" Alberto Fujimori, président depuis 1990, qui a présenté la veille sa démission depuis le Japon où il a fui.

Extradé, il est condamné en 2009 à 25 ans de prison pour corruption et crime contre l'humanité.

Vingt ans plus tard, le 9 novembre 2020, moins de deux mois après une première tentative, l'"incapacité morale" est invoquée par le Parlement pour destituer le président Martin Vizcarra (2018-2020), sur fond d'accusation de pots-de-vins présumés reçus en tant que gouverneur en 2014. Des accusations niées par le populaire chef de l'Etat qui avait fait de la lutte contre la corruption son principal cheval de bataille.

Il est remplacé le 10 novembre 2020 par le chef du Parlement, l'opposant Manuel Merino. Des manifestations dénonçant un "coup d'état parlementaire" son violemment réprimées. Sous la pression de la rue et de la classe politique, M. Merino démissionne cinq jours plus tard.

Le 16 novembre, Francisco Sagasti, un député de 76 ans est élu président du Parlement par les députés, devenant automatiquement chef de l'Etat par intérim.