Verdict historique en Suisse contre un ex-chef de guerre libérien

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L'ex-commandant rebelle libérien Alieu Kosiah a été condamné vendredi à 20 ans de prison par un tribunal suisse lors d'un procès historique, devenant le premier Libérien à être condamné pour des crimes de guerre commis pendant le conflit dans son pays.

La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral suisse a déclaré Alieu Kosiah, 46 ans, coupable de multiples atrocités, notamment de meurtres, de viol et d'utilisation d'enfants-soldats, pendant la première des deux guerres civiles qui se sont succédé au Liberia et ont fait quelque 250.000 morts entre 1989 et 2003.

Le verdict du Tribunal pénal fédéral de Bellinzone, dans le sud de la Suisse, marque la première condamnation d'un Libérien, que ce soit dans ce pays d'Afrique de l'Ouest ou ailleurs, pour des crimes de guerre commis pendant le conflit.

"C'est complètement historique", a déclaré à l'AFP l'avocat Alain Werner, représentant sept des victimes.

"En Suisse, c'est le premier verdict pour crime de guerre devant un tribunal fédéral, et au Liberia c'est la première fois, il n'y a jamais eu de jugement, de condamnation ou d'acquittement contre un Libérien pour crime de guerre, alors qu'il y a eu deux guerres civiles sur plus de 15 ans, 300.000 morts", a-t-il fait valoir.

Pour Balkees Jarrah, directrice adjointe du Programme Justice internationale de l'ONG Human Rights Watch, "en brisant le mur de l'impunité, ce verdict marque une avancée majeure pour les victimes libériennes et pour le système judiciaire suisse".

M. Kosiah, qui a plaidé non coupable, était accusé d'avoir commis une série de crimes de guerre alors qu'il était commandant du groupe armé de l'ULIMO (United Liberation Movement of Liberia for Democracy), faction de groupes armés hostiles au mouvement de Charles Taylor (le Front national patriotique du Liberia, NPFL).

Il est détenu depuis son arrestation en novembre 2014 en Suisse.

Il a été reconnu coupable de 21 des 25 chefs d'accusation, notamment d'avoir ordonné ou participé au meurtre de 17 civils et de deux soldats non armés.

Alieu Kosiah a été reconnu coupable de viol, d'avoir eu recours à des enfants-soldats, d'avoir ordonné des pillages et d'avoir infligé des "traitements cruels, inhumains et dégradants" à des civils.

Il a été condamné à 20 ans de prison, dont doivent être déduits les plus de six ans et demi qu'il a déjà passés en détention.

Le tribunal a également ordonné qu'il soit expulsé du territoire suisse pour une durée 15 ans.

- Poursuites à l'étranger -

La Suisse reconnaît le principe de la justice universelle, ce qui lui permet de juger les personnes soupçonnées d'avoir commis des crimes internationaux, quel que soit le lieu où ils ont été commis. Mais c'est la première fois qu'une affaire de crimes de guerre passait devant une instance non militaire helvétique.

La guerre civile au Liberia est l'un des conflits les plus atroces du continent africain. Elle a été marquée par des massacres perpétrés par des combattants souvent drogués, des mutilations et des actes de cannibalisme.

La plupart des commandants des différents groupes armés ont fui le pays après la guerre.

Plus de 15 ans après, un grand nombre de personnalités directement impliquées dans la guerre civile occupent toujours des positions importantes dans les sphères du pouvoir politique et économique.

Les recommandations du rapport de la Commission vérité et réconciliation (TRC) publié en 2009 sont restées lettre morte au nom du maintien de la paix.

L'un des principaux acteurs du conflit, l'ex-chef de guerre devenu président (1997-2003) Charles Taylor avait été condamné en 2012 pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre perpétrés en Sierra Leone, voisine du Liberia, mais il n'a pas été inquiété pour les atrocités commises dans son propre pays.

D'autres cas de poursuites existent à l'étranger.

Le procès de l'ancien chef rebelle sierra-léonais Gibril Massaquoi, surnommé "l'Ange Gabriel" et accusé de crimes de guerre et d'une longue liste d'atrocités durant la conflit au Liberia, s'est ouvert en février en Finlande, avant une délocalisation inédite sur le sol libérien puis des auditions de témoins à Freetown, capitale de la Sierra Leone.

Un autre ex-commandant rebelle libérien, Kunti K., accusé d'actes de torture, a été renvoyé devant les assises en France.

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