AVOCATS INQUIETS DE LA NOMINATION D'UN REPRESENTANT DU RWANDA AUPRES DU TPIR

Arusha, 29 octobre 99 (FH) - Des avocats commis d'office à la défense des accusés devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) se sont déclarés inquiets de la récente nomination d'un représentant du gouvernement rwandais auprès de cette juridiction, a-t-on appris vendredi à Arusha. Dans une lettre adressée au greffier du TPIR le 26 octobre par quatorze avocats, les signataires notent qu'il leur paraît "tout à fait curieux que le TPIR, n'étant pas une entité étatique, puisse accepter auprès de lui l'accréditation d'un représentant officiel d'un pays".

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Les avocats affirment que "aucune disposition du statut du TPIR n'autorise pareille possibilité".

"L'accréditation de ce représentant du gouvernement rwandais auprès du TPIR, est assurément de nature à porter atteinte au crédit dont jouit ladite institution, et à justifier puis aggraver les inquiétudes et les doutes que nombre de personnes et Etats ressentent par rapport à son impartialité et à sa capacité à rendre équitablement justice", poursuivent les signataires de la lettre.

Les avocats font en outre valoir que "les membres du Front patriotique rwandais actuellement au pouvoir au Rwanda, étant conformément aux dispositions du statut du Tribunal, des justiciables potentiels de ladite juridiction, nous voyons mal dans quelle mesure ce gouvernement peut être représenté auprès du TPIR ".

Les signataires affirment par ailleurs que cette nomination tend à "entraîner un sabotage de l'organisation de la défense des accusés".

"Les avocats et leurs équipes de défense ont toujours été conscients des risques qui planent en permanence sur leur vie et leur sécurité dans le cadre de leur travail.[..], ces risques viennent d'être matérialisés et aggravés à Arusha", écrivent-ils.

"Le plus grave", soulignent-ils, "c'est que dès l'annonce de la nouvelle, un vent de panique générale s'est emparé de la plupart des témoins potentiels de la défense qui ont commencé à exprimer clairement leurs réticences ainsi que leurs intentions de ne plus déposer devant le TPIR tant que ce représentant du Rwanda y sera présent", selon eux.

Deux semaines plus tôt, vingt-neuf détenus avaient manifesté les mêmes inquiétudes, à travers une lettre adressée à la présidente du TPIR, la juge sud-africaine Navanethem Pillay.

"Notre principal souci est que la juridiction que vous présidez garde son indépendance dans les procès qu'elle doit conduire et juger, or les dirigeants actuels du régime rwandais sont des justiciables potentiels du TPIR", avaient-ils écrit.

Le gouvernement rwandais a nommé le 30 septembre dernier, l'ancien procureur de Butare (sud du pays), Martin Ngoga, comme son représentant auprès de la juridiction internationale.

Commentant les lettres des avocats et des détenus, le porte-parole du TPIR, le Nigérian Kingsley Moghalu, a indiqué à l'agence Hirondelle que "ces préoccupations sont compréhensibles mais un peu déplacées". Il a ajouté que "le Tribunal n'acceptera aucune situation dans laquelle son indépendance serait compromise".

"Le Tribunal, plus que quiconque d'autre, a un intérêt direct dans le maintien de son indépendance judiciaire", a poursuivi Kingsley Moghalu.

Le porte-parole du TPIR a expliqué que n'importe quel pays membre des Nations unies avait le droit d'envoyer un observateur au TPIR. "N'importe quel gouvernement ou Etat peut avoir un observateur officiel. Pourvu qu'il prenne en charge les coûts", a-t-il conclu.

CR/AT/PHD/FH (RW§1029A )