Covid: la vaccination enfin à plein régime au Brésil

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La vaccination contre le Covid-19 a enfin atteint un rythme élevé au Brésil après des débuts poussifs, et le nombre de décès a chuté de façon significative dans le deuxième pays le plus endeuillé au monde par la pandémie.

Reconnu mondialement pour sa capacité à mettre en place des campagnes d'immunisations massives en un temps record, ce pays de 213 millions d'habitants n'a débuté la vaccination anticovid qu'à la mi-janvier, plus d'un mois après la plupart des pays européens ou l'Argentine voisine.

La vaccination a avancé lentement au début, avec des interruptions dues à l'absence de doses disponibles, un retard imputé par les spécialistes à la gestion chaotique du gouvernement Bolsonaro, dans un pays qui avoisine les 600.000 morts du Covid-19.

Mais aujourd'hui, le Brésil a déjà injecté plus de 214 millions de doses, pour se hisser au 4è rang mondial, après la Chine, l'Inde et les Etats-Unis, selon le site d'analyse de données Our World in Data.

C'est surtout le troisième pays qui vaccine le plus actuellement, avec 1,5 million d'injections quotidiennes en moyenne.

Le vaccin d'Astrazeneca est le plus utilisé au Brésil (45%), suivi du Coronavac, du laboratoire chinois Sinovac (33%) et de ceux de Pfizer (20%) et Janssen (2%).

Le Brésil a décidé de miser initialement sur la vaccination de masse avec une première dose, avec des intervalles plus longs pour la seconde pour préserver les stocks.

Si 67,6% de la population a déjà reçu la première injection, seuls 35,5% ont été totalement immunisés, beaucoup moins qu'en France (69,6%), au Chili (69,4%) ou aux Etats-Unis (54,1%).

Mais le Brésil est tout de même en troisième position parmi les dix pays les plus peuplés.

Résultat: le nombre de décès causés par le Covid-19 a fortement chuté, à moins de 500 morts quotidiennes en moyenne, contre plus de 2.000 en juin et 1.000 fin juillet.

- "Trop tard" -

"L'accélération a débuté en mai-juin, avec l'arrivée d'un plus grand nombre de doses et une campagne plus cohérente", explique à l'AFP José David Urbáez, président de la Société d'Infectiologie de Brasilia.

Autre atout majeur: une forte adhésion de la population, plus de 90% des Brésiliens souhaitant se faire vacciner selon les derniers sondages.

Et pourtant, ils étaient tout sauf encouragés par le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, qui a multiplié les déclarations polémiques sur les vaccins. Il est allé jusqu'à dire que le vaccin pouvait "transformer les gens en crocodile" à cause de ses effets secondaires et a assuré qu'il serait "le dernier Brésilien à être vacciné".

Le gouvernement est fortement critiqué pour son manque d'anticipation dans l'acquisition de vaccins. Sans compter les attaques répétées contre la Chine, qui auraient, selon l'opposition, causé des retards dans la livraison de doses ou de principes actifs.

"Ça a commencé trop tard", estime Paula Vasconcelos, "soulagée" d'avoir pu faire vacciner sa fille adolescente à Brasilia.

"Des centaines de milliers de morts auraient pu être évitées" si le gouvernement avait été moins "négationniste", dénonce pour sa part Monica de Barros, retraitée de 57 ans, au moment de recevoir sa seconde dose.

- Soupçons de corruption -

Si le gouvernement avait commencé à négocier l'achat de vaccins plus tôt, mi-2020, "en mai ou en juin de cette année, on aurait déjà vacciné la population nécessaire" pour contrôler la pandémie, explique José David Urbáez.

Une commission d'enquête parlementaire du Sénat (CPI) se penche depuis plusieurs mois sur la gestion de la crise sanitaire, avec y compris des soupçons de corruption dans l'achat de vaccins.

De quoi entamer fortement la popularité du président Bolsonaro, qui compte seulement 24% d'opinions favorables, alors que, malgré l'amélioration de la situation sanitaire, le pays reste miné par le chômage et une inflation galopante.

"L'accélération de la vaccination va avoir des conséquences très positives pour le Brésil, comme la réduction du nombre de morts et la reprise des activités économiques, mais elle se traduira difficilement en une augmentation de la popularité" du chef de l'Etat, estime le politologue Maurício Santoro.

Dans une caricature publiée par le journal Diario Catarinense, on peut voir Jair Bolsonaro faire irruption dans un poste de vaccination pour demander: "Vous avez un vaccin contre la CPI?"