Verdict pour une Allemande de l'EI accusée d'avoir laissé mourir une fillette yazidie

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Après deux ans et demi de procédure, la justice allemande rend son verdict lundi contre une ex-membre du groupe Etat islamique (EI) accusée d'avoir laissé mourir de soif une fillette yazidie réduite en esclavage en Irak.

Accusée notamment de crime de guerre et meurtre, Jennifer Wenisch, 30 ans, encourt la prison à vie dans l'un des premiers procès au monde à poursuivre un crime de guerre contre les Yazidis, minorité kurdophone persécutée et asservie par les jihadistes à partir de 2014.

Cette Allemande originaire de Lohne, en Basse-Saxe (nord-ouest), s'était rendue en Irak pour rejoindre "ses frères", comme elle l'a expliqué à la barre du tribunal de Munich.

Pendant plusieurs mois, elle y a patrouillé, armée, au sein de la police des moeurs à Falloujah et Mossoul. Cette force veillait notamment au respect des règles vestimentaires et de comportement fixées par les jihadistes.

A l'été 2015, elle et son mari d'alors, Taha Al-Jumailly, actuellement jugé à Francfort dans une procédure parallèle, ont acheté parmi un groupe de prisonniers une fillette de cinq ans et sa mère issues de la minorité yazidie afin de les exploiter en tant qu'esclaves, selon l'accusation.

- Morte de soif -

Après de nombreuses maltraitances, la petite fille a été "punie" par le mari de l'accusée pour avoir uriné sur un matelas, puis attachée, par des températures autour de 50°C, à une fenêtre à l'extérieur de la maison.

La fillette est morte de soif tandis que sa mère, Nora T., avait été contrainte de rester au service du couple.

Le parquet reproche à Jennifer Wenisch d'avoir laissé son compagnon faire sans intervenir. Interrogée lors du procès sur sa passivité, elle a, lors de l'une de ses rares déclarations, affirmé avoir "eu peur" qu'il "ne (la) pousse ou l'enferme".

Ses avocats, comme ceux de Taha Al-Jumailly, ont tenté de suggérer que la fillette, emmenée plus tard dans un hôpital de Falloujah, n'était peut-être pas décédée, un fait invérifiable.

Ils ont plaidé la prison avec sursis pour leur cliente, arguant qu'elle n'avait que "soutenu" l'EI.

Une version contestée par la mère de l'enfant, Nora T., qui vit désormais cachée en Allemagne. Témoin clé, la survivante a livré sa version lors des procès des ex-époux.

"On va faire de moi un exemple pour tout ce qui s'est passé sous l'EI. Il est difficile d'imaginer que cela soit possible dans un État de droit", s'est défendue Mme Wenisch lors de l'une des dernières audiences, selon des propos rapportés par la Süddeutsche Zeitung.

- Sur écoute -

Elle avait été arrêtée par les services de sécurité turcs en janvier 2016 à Ankara puis extradée vers l'Allemagne.

Mais elle n'a été placée en détention qu'en juin 2018, après avoir été arrêtée en tentant de rejoindre avec sa fille de deux ans les territoires que l'EI contrôlait encore en Syrie.

C'est au cours de cette tentative qu'elle a raconté sa vie en Irak à son chauffeur. Ce dernier était en réalité un informateur du FBI qui la conduisait dans une voiture équipée de micros. Le parquet a utilisé ces enregistrements pour l'inculper.

Ce procès est l'un des premiers concernant des crimes commis sur les Yazidis, minorité kurdophone du Nord de l'Irak.

En octobre 2020, une Germano-Tunisienne, épouse d'un jihadiste, avait été condamnée par un tribunal allemand à trois ans et demi de prison pour avoir notamment contribué à réduire à l'état d'esclave une jeune Yazidie lorsqu'elle séjournait en Syrie.

La petite minorité ethnoreligieuse yazidie a été particulièrement persécutée par les jihadistes, qui ont réduit ses femmes à l'esclavage sexuel, enrôlé de force des enfants-soldats et tué des hommes par centaines.

Irakiens non-arabes et non-musulmans, de nombreux Yazidis ont trouvé refuge en Allemagne, notamment dans le sud-ouest du pays, où des femmes et leurs enfants, victimes de viols répétés, ont été pris en charge et soignés.