Cinéma: Ari Folman, valse déroutante avec Anne Frank

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Son "Valse avec Bachir", documentaire autobiographique sur la guerre du Liban, a marqué le cinéma d'animation. Pour son nouveau film, en salles mercredi, l'Israélien Ari Folman revisite l'un des totems de la mémoire de l'Holocauste, le journal d'Anne Frank.

"Où est Anne Frank ?", adaptation en dessin animé du journal intime de l'adolescente juive d'Amsterdam, morte en 1945 au camp de concentration de Bergen-Belsen après s'être cachée avec sa famille dans un immeuble d'Amsterdam pour échapper à l'occupant nazi, est destinée cette fois à un public familial.

Anne Frank "est une icône. Mais plus que cela, c'était une adolescente isolée, traversant l'adolescence en étant éminemment drôle, géniale, mauvaise, grande observatrice du monde des adultes, voyant les défauts de chacun et les attaquant", a expliqué le réalisateur de 58 ans à l'AFP, lors du festival de Cannes.

Lui-même descendant de survivants de la Shoah, Ari Folman ne s'est pas contenté d'une adaptation littérale de l'oeuvre publiée après-guerre à l'initiative du père de la fillette.

De quoi dérouter: le film entremêle en effet plusieurs intrigues et donne vie à Kitty, l'amie imaginaire à laquelle Anne Frank s'adresse dans son journal intime.

Kitty est incarnée par une jeune fille rousse, à la fois candide et révoltée, qui navigue dans un temps flou, entre le passé et le présent, autour de la cachette d'Anne Frank devenue un musée.

L'occasion d'ajouter à l'histoire de l'Holocauste une réflexion sur le sort des réfugiés dans l'Europe d'aujourd'hui. Et sur notre rapport à la mémoire, dans un monde qui ne semble pas toujours faire le lien entre les drames du passé et les injustices contemporaines.

"Où est Anne Frank aujourd'hui, dans un monde où des enfants continuent d'être victimes de la guerre, comme si rien n'avait changé depuis ?", s'interroge le réalisateur.

Le film est bien sûr une leçon d'histoire pour les plus jeunes, trois quarts de siècle après la libération du camp d'extermination d'Auschwitz et l'assassinat de 5 à 6 millions de Juifs par les nazis pendant la Shoah. Il s'accompagne de livres et bandes dessinées, dans une volonté de la Fondation Anne Frank de perpétuer sa mémoire.

Pour la scène d'arrivée au camp, Ari Folman, qui dédicace le film à ses parents "arrivés aux portes d'Auschwitz la même semaine que la famille Frank", préfère faire appel à la mythologie grecque et la traversée du Styx, le fleuve des Enfers, pour évoquer l'indicible.

Le réalisateur signe ici l'un des projets les plus ambitieux de sa carrière, par son sujet, mais aussi par les moyens mis en oeuvre: huit ans de travail et douze studios de pays différents mobilisés pour du dessin à l'ancienne, sans 3D.