Plusieurs procès collectifs ont progressé et en sont aux phases de présentation des preuves de défense. D’autres ont achevé leurs débats contradictoires. Selon le président Dennis Byron, quatre jugements sont attendus dans les prochains mois.
Pendant l’année écoulée, deux jugements ont été rendus à la suite de plaidoyers de culpabilité ce qui a considérablement accéléré les procédures. Joseph Nzabirinda a été condamné le 23 février à 7 ans de détention et Juvénal Rugambarara à 11 ans le 16 novembre.
Un seul jugement faisait suite à un véritable débat. François Karera, ancien préfet de la région de Kigali a été condamné à la réclusion à perpétuité le 7 décembre dernier. C’est le 11ème condamné du TPIR à se voir infliger la peine maximale. En tout 35 personnes ont été jugées depuis 1994. Cinq ont été acquittées.
La chambre d’appel a rendu deux jugements. Aloys Simba s’est vu confirmer ses 25 ans de prison et les trois accusés de médias, Ferdinand Nahimana, Jean-Bosco Barayagwiza et Hassan Ngeze, ont vu leurs peines légèrement allégées même si la plupart de leurs chefs d’accusation ont été abandonnés.
Conformément à la stratégie d’achèvement, décidée par le Conseil de sécurité des Nations unies, il reste donc un an au TPIR pour juger ses derniers accusés. Aussi de nombreux contacts diplomatiques ont été engagés afin de transférer ces accusés vers d’autres juridictions nationales. Certains n’ont pas abouti : Michel Baragaza qui devait être jugé aux Pays Bas devra finalement revenir à Arusha.
Deux accusés vivant en France et dont l’acte d’accusation était resté sous scellés, ont été interpellés. Wenceslas Munyeshyaka et Laurent Bucyibaruta seront jugés en France, le TPIR s’étant dessaisi. Un autre accusé est sous le coup d’une demande d’extradition, comme en Allemagne. S’ils viennent à Arusha, ils s’ajouteront aux six personnes en attente de jugement.
Pour alléger cette liste, le procureur a déposé des demandes de transfert vers le Rwanda. Déjà il avait en 2006 transféré des dossiers. En 2007 il a demande que cinq personnes soient jugées au Rwanda: Jean Baptiste Gatete, ancien bourgmestre de Murambi, le lieutenant Ildephonse Hategikimana, deux hommes d’affaires, Yussuf Munyakazi et Gaspard Kanyarukiga et l’ancien inspecteur de police Fulgence Kayishema. Seul ce dernier, en fuite, n’est pas détenu à Arusha.
Ces demandes sont suspendues aux décisions des chambres devant lesquelles elles ont été déposées. Malgré l’abolition de la peine de mort au Rwanda, elles ne font pas l’unanimité. Deux organisations de défense des droits de l'homme : Amnesty International et Human Rights Watch, comme l'Association internationale des juristes démocrates, ont émis des doutes sur l'équité d'éventuels procès à Kigali. Si ces procès n’ont pas lieu ailleurs qu’à Arusha le TPIR ne pourra pas achever son mandat d’ici la fin de l’année 2008.
Le problème des prisonniers condamnés est aussi crucial. Des accords ont été signés depuis plusieurs années avec 5 pays afin qu’ils reçoivent les condamnés du TPIR, mais n’ont toujours pas abouti. A l’exception des 6 premiers condamnés transférés au Mali en décembre 2001, aucun prisonnier n’a trouvé de pays d’accueil et ceux-ci ne se bousculent pas ; à l’exception du Rwanda. Le premier détenu à avoir purgé sa peine, Elizaphan Ntakirutimana, est sorti de prison en décembre 2006, il est mort fin janvier 2007.
Les demandes de libérations anticipées n’ont, pas plus qu’auparavant, reçu de suite positive. Parvenu à la moitié de sa peine, Samuel Imanishimwe avait demandé à en bénéficier. Avant lui trois autres condamnés s’étaient vus refuser cette mesure sous le prétexte de la gravité de leurs crimes. En 2008, deux condamnés devraient voir arriver la fin de leurs peines : Vincent Rutaganira, le 2 mars prochain et Joseph Nzabirinda, le 19 décembre.
Un autre condamné devrait être relâché en Mars prochain après avoir purgé une peine de 9 mois pour faux témoignage. Il s’agit de la première condamnation de ce genre prononcé par un tribunal international. GAA, son pseudonyme, avait reconnu les faits et a accusé un enquêteur du tribunal de l’avoir incité. Celui-ci est retenu depuis six mois au Rwanda pour une autre accusation.
Aucun acte d’accusation n’a été rédigé au cours de l’année contre des soldats du FPR (actuellement au pouvoir à Kigali) qui se seraient rendus coupables de crimes de guerre en 1994. Pourtant les charges ont fait l’objet d’enquêtes précises. Depuis plus de deux ans le procureur les étudie.
Elu en mai dernier, le président Byron a multiplié les voyages à New York pour tenir informé le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale des Nations Unies de l’évolution du TPIR. Après avoir averti solennellement que le droit avait un calendrier propre, il a évoqué un « défi impressionnant » avant de parler il y a quelques semaines « d’aménagements spéciaux» pour les retards prévisibles.
Selon les Nations unies ce tribunal a coûté entre 1995 et 2007 1,032,692.2 USD sans compter les financements de l’Union européenne destinés aux programmes annexes.
PB/GF
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